Interlude - un objet pongien
Cela fait du bruit lorsqu’on le prend en
mains, du sable ou plutôt des petits cailloux qui s’entrechoquent à l’intérieur
de la briquette de couleur jaune.
C’est un objet rectangulaire long de quinze
centimètres, soit un majeur et demi. La surface lisse du côté supérieur oppose
une résistance molle au doigt qui s’y pose, il y a une réserve d’air enfermée
là-dessous avec les petits cailloux qui une fois libérée pourrait parfumer
l’atmosphère.
Les côtés de l’objet ne sont pas plus hauts
que la première phalange de l’index. La surface est rugueuse, abrasive, avec un
motif géométrique de ruche d’abeille usé ou griffé par endroits.
L’objet est léger, on peut le faire tourner
sur lui-même d’une légère pression du pouce et du majeur. En appuyant sur la
face blanche de la briquette celle-ci s’ouvre et dévoile non pas des cailloux
mais des bâtonnets de couleur crème jetés les uns sur les autres comme des
brins de paille. L’intérieur de la briquette consiste en une boîte en carton
avec deux compartiments remplis de ces bâtonnets lesquels sont bien alignés
dans le compartiment de gauche et en désordre dans celui de droite. Lorsqu’on
la secoue le bruit provient du compartiment où les bâtonnets sont mélangés l’un
sur l’autre. Ce sont en réalité des tiges de bois rigides que l’on casse
facilement ; des échardes de bois piquantes apparaissent à l’endroit où
ils sont brisés.
Le plus caractéristique consiste en une
extrémité formée d’une petite tête arrondie de couleur brune, parfois noire, et
de la même matière, un peu rugueuse, que celle du côté décoré de motifs en
ruche d’abeille de la briquette jaune. Quand la tête est appuyée sur la surface
géométrique il se produit un léger crissement et une trace d’usure apparait à
l’endroit où la tête du bâtonnet a frotté. Lorsque cette opération est répétée
avec la tête noire d’un autre petit bâton, celle-ci s’effrite et se casse
en petits grains charbonneux qui salissent les doigts. Le jeu consiste alors à
frotter un bâtonnet à tête brune sur la surface rugueuse, de plus en plus fort
ou de plus en plus vite pour renforcer la trace d’usure.
A un moment donné, quelque chose se passe,
le bruit du frottement devient celui d’un craquement très net, et une matière
jaune impalpable, fluide comme de l’eau et brillante jaillit de la tête et se
propage sur toute la longueur du bâtonnet en dansant. Il faut lâcher la tige
avant que l’air qui danse et qui chante n’atteigne vos doigts car il vous pique
et vous arrache un cri de douleur et d’étonnement devant ce nouveau prodige de
la science moderne.
Petit exercice de l'atelier d'écriture in absentia.
Commentaires
Enregistrer un commentaire