Le vaillant Surfeur d'Argent parviendra-t-il à échapper à l'emprise totalitaire de Galactus, le dévoreur de planètes? |
Journal de la Rêvolution
« Au plus beau coucher du soleil avait succédé la
plus belle nuit. Le firmament répété dans les vagues avait l’air de reposer au
fond de la mer. L’étoile du soir, ma compagne assidue pendant mon voyage, était
prête à disparaître sous l’horizon ; on ne l’apercevait plus que par de longs
rayons qu’elle laissait de temps en temps descendre sur les flots, comme une
lumière qui s’éteint. Par intervalles, des brises passagères troublaient dans
la mer l’image du ciel, agitaient les constellations, et venaient expirer parmi
les colonnes du temple avec un faible murmure.
Toutefois, ce spectacle était triste lorsque je venais à
songer que je le contemplais du milieu des ruines. Autour de moi étaient des
tombeaux, le silence, la destruction, la mort, ou quelques matelots grecs qui
dormaient sans soucis et sans songes sur les débris de la Grèce. J’allais
quitter pour jamais cette terre sacrée : l’esprit rempli de sa grandeur passée
et de son abaissement actuel, je me retraçais le tableau qui venait d’affliger
mes yeux. »
- Chateaubriand,
Itinéraire de Paris à Jérusalem. Le
voyage en Grèce, 1806
« La réconciliation des vivants n'est possible
qu'après la réconciliation des morts. »
- Georges Bernanos (1888-1948), Les Grands Cimetières sous la lune, 1938
- Georges Bernanos (1888-1948), Les Grands Cimetières sous la lune, 1938
« Pour vivre moderne, il ne suffit plus d’acheter
aujourd’hui et de jeter demain.
Il faut acheter aujourd’hui et jeter aujourd’hui. »
- John Brunner,
Tous à Zanzibar, 1968
*
Fête nationale de
la Grèce ce jour, en commémoration du soulèvement du 25 mars 1821 et du début
de la guerre d'indépendance contre le joug Ottoman.
Relu le Voyage en Grèce de Chateaubriand de 1806
(dans l’Itinéraire de Paris à Jérusalem).
Pages dures et clairvoyantes sur la destruction de la civilisation opérée par
les Ottomans dans cette partie de l’Europe, quelques années avant que la nation
grecque renaisse avec l’appui des partis philhellènes de France, d’Angleterre
ou de Russie.
Qui se souvient
encore d’Adbdul-Hamid II, le dernier sultan de l’empire Ottoman, paranoïaque
sanguinaire qui insistait pour que les têtes coupées des arméniens, bulgares,
grecs ou macédoniens soient bien alignées pour l’inspection générale, ainsi que
des atrocités commises au cours des guerres balkaniques (1912-1913) – sans
parler de toutes celles qui précédèrent et qui suivirent ? Les peuples de ces
régions, eux, n’ont pas oublié le long règne du Turc. Je m’interroge sur le
retour possible du despotisme anatolien sur les Balkans, en particulier sur la
Grèce, victime expiatoire toute désignée qui sera un jour abandonnée par
l’eurocratie - qui ne mérite pas d’être identifiée au noble nom d’Europe. Qui
ira mourir pour Athènes ? Personne d’ici. Est-ce que nous oserons, nous, peuples
européens, abandonner les Grecs à l’ambition et au chantage du nouveau
Sultan d’Ankara ? Nos dirigeants seront prêts à vendre les Grecs pour
quelques colifichets. Ils feront tout pour éviter un conflit direct avec ce
mauvais voisin, sans parler des risques internes de déstabilisation. Ils
expliqueront doctement qu’après tout, les Grecs, ces mauvais élèves, l’auront
bien mérité et que ce pays – après avoir subi pendant des années les dures lois
de la privation et de l’austérité sans que ses dirigeants ne bougent le petit
doigt, sans que le peuple se révolte, véritable laboratoire social du néolibéralisme en Europe, constituera le
laboratoire d’une nouvelle idée dans
les relations internationales : puisqu’il n’y a plus de frontières à l’ère
de la globalisation et des flux chers à Bruxelles, à quoi bon défendre une
« frontière extérieure » de l’Europe puisque ce concept lui-même
n’existe pas ? L’Europe n’a pas de frontières disent-ils, l’Europe est une
idée.
Dans un roman
d’anticipation écrit en 1996, F.A.U.S.T.,
Serge Lehman imaginait le point de vue selon lequel les Puissances – de grands empires industriels – divisaient le monde.
Il y avait d’un côté le Village, un
axe de villes mondiales reliées les unes aux autres par des moyens de
communication rapide, Darwin Alley,
dans lequel vivait la classe privilégiée, passant d’un lieu à l’autre comme on
change de chemise ; de l’autre, tout le reste du monde, était simplement
constitué du Veld, c’est-à-dire d’une
immense zone sauvage, abandonnée à elle-même. J’ai toujours trouvé cette idée
d’une division aussi radicale de l’humanité entre privilégiés et laissés pour
compte, extrêmement efficace car écrasant dans une figure géométrique toute
simple la diversité des cultures humaines réduites à rien par la loi du
profit ; plus de frontières, plus de complexité, d’héritage des histoires,
d’entremêlements et d’identités croisées ; plus rien d’autre qu’une route
traversant le désert.
C’est cela, la
vision du monde « néolibérale » : dichotomique. Tu es sur la
route du fric ou bien tu n’y es pas. Nations, peuples, cultures ? Concepts
dépassés, stigmates de mauvais penchants « d’enracinement », de rootism à éliminer. Les frontières sont
une idée du passé, renvoyant à ces concepts archaïques d’identité. Tu es ce que
tu consommes. Point barre.
Rejoins-nous sur
Darwin Alley. C’est la fête.
*
Ligne de coke ou katana l'éclair
Neurones miracle
Point Ligne
Page
*
Parce que ...
mais oui ... les taxons, un taxa et les clades qui ne sont pas encore nommés...
depuis Pline l'Ancien, Linné, Geoffroy de St-Hilaire, Darwin, jusqu'aux génomes
classifiés, le monde vivant est une collection d'ingéniosité plus riche que les
galaxies.
Les magnifiques planches de Ernst Haeckel.
Retour à la
ligne, extension de la surface, dérivées partielles : contaminations entre
collections, ou du particulier et du générique. Hybridations du dimanche.
*
Les derniers jours de Michel De Jaeghere. La fin de l’Empire
Romain a toujours de beaux jours devant soi.
*
La Galaxie Gutenberg de Marshall MacLuhan (1967), ou comment j’ai
réussi à comprendre (enfin) le début de Tous
à Zanzibar de John Brunner.
*
La plupart des
collections récentes de livres de science-fiction sont du plus mauvais goût.
*
La trilogie Cryptonomicon de Neal
Stephenson, cadeau de Nicolas J., geek de la première heure, un des premiers à
avoir lancé l’Internet en Belgique, grand joueur devant Gygax, que je salue.
*
Les grandes séries de space-opera de « hard
science » de la « bande des B » des années 80-90 (Iain M. Banks,
Stephen Baxter, Greg Bear, Gregory Benford, David Brin) : certaines
vieillissent bien, d’autres vieillissent mal … La science-fantasy ou la fantasy
vieillissent mieux… (conversation avec Nicolas).
*
Dans la
bibliothèque du XXè siècle de ma « librairie » lakenoise, séparer les
« bons auteurs » des autres, souvent plus contemporains…
*
Belles planches d’illustration de colibris. Ces oiseaux,
appelés Hummingbirds en anglais, sont originaires du Nouveau-Monde... et cela
me rappelle les voyages de Jean-Jacques Audubon (1785-1851) et le livre
mythique des Oiseaux d'Amérique.
*
Pas
pleurer, d'après le récit de Lydie Salvayre, adapté au Théâtre
de Poche de Bruxelles, excellente mise en scène et interprétation à ne pas
manquer.
Guerre d’Espagne
Anthropologie et histoire
Peuples sans écriture
Le Peuple est toujours « sans écriture »
*
Le sujet subit
des hallucinations auditive-verbales auxquelles il répond généralement par des
vociférations. Figures de la psychose et de dissociation mentale.
*
古池や
蛙飛込む
水の音
fu/ru/i/ke ya
ka/wa/zu to/bi/ko/mu
mi/zu no o/to
furuike ya
kawazu tobikomu
mizu no oto
Un vieil étang et
Une grenouille qui plonge,
Le bruit de l'eau.
- Maître Basho
蛙飛込む
水の音
fu/ru/i/ke ya
ka/wa/zu to/bi/ko/mu
mi/zu no o/to
furuike ya
kawazu tobikomu
mizu no oto
Un vieil étang et
Une grenouille qui plonge,
Le bruit de l'eau.
- Maître Basho
*
Où l’on reparle de la cinétique de l’héliophore
à l’occasion d’une plongée dans les couvertures de la collection « Ailleurs
et Demain » chez Robert Laffont, avec ce petit film de montage sur le
procédé d’art graphique d'héliophore que j’ai trouvé via une revue en
ligne très originale, Tombolo :
« En 1930,
Louis Dufay va mettre au point une nouveau système de traitement des images en
s’inspirant de la structure des ailes iridescentes des papillons morphos.
L’héliophore est un système d’animation visuel de plaques de couleur
métallisées qui exploite le renvoi des lumières incidentes par une trame de 24
lignes au mm orientées selon des angles variés pour réaliser d’étonnants effets
spatiaux avec le déplacement du support ou des sources lumineuses. »
Encore un exemple
d'utilisation du procédé de l'Héliophore dans ces rushes du film inachevé
d'Henri-Georges Clouzot de 1964 avec Romy Schneider... en Enfer
« Tombolo
est une revue en ligne qui voudrait créer des liens entre les archipels du
savoir sur le graphisme et plus si affinités, dans une forme critique propre,
avec des contributeurs d’ici et d’ailleurs.
Tombolo se structure géologiquement par
strates. En surface affleure la couche Flux constituée par de courts
articles à la volée. En fouillant, on découvre Meta, la strate des
textes plus denses et nourris. Puis vient la couche des Entrevue(s) avec
des personnalités du champ élargi du graphisme. Enfin, au plus profond, le
discours se nourrit du Beauregard, ce substrat fluctuant des productions
goûtées d’images fixes et animées… »
*
« Pourquoi cherchez-vous les
humains ? » demanda-t-il.
« Pour te libérer. »
« Me libérer ? »
« Les hommes ont autrefois confié
la pensée aux machines dans l’espoir de se libérer ainsi. Mais cela permit
seulement à d’autres hommes de les réduire en esclavage, avec l’aide des
machines. »
« Tu ne feras point de machine à
l’esprit de l’homme semblable », cita Paul.
- Frank
Herbert, Dune, 1965
*
Le MOAB (Massive
Ordnance Air Blast) est une bombe thermobarique qui aspire l'oxygène de la zone
d'effet afin de produire une explosion à haute température avec onde de choc.
Utilisée contre un complexe de cavernes, on peut donc supposer, explosant à l’extérieur,
qu'elle a littéralement tout asphyxié avant de le passer au lance-flamme. Peu
de chance que quoi ou qui que ce soit qui se trouvait à l'intérieur ait pu en
réchapper.
*
Bergson, le
philosophe le plus antidogmatique, le plus fidèle à l'esprit français de clarté
et de rigueur dans la démonstration, tombé dans l'oubli relatif ou le ridicule
pour cause de mauvaise lecture par Sartre et de préciosité des post-modernes
obscurs, il y a plus d'un siècle a posé les fondations d'une synthèse entre
l'esprit et la matière, entre la connaissance et la vie, entre la liberté et l'instinct, avec finesse, n’abusant
point de l'esprit de géométrie. Bergson que je (re)découvre avec joie partant
de quelques notations d'Hannah Arendt dans La
vie de l'esprit.
Bergson et Arendt, une relation évidente et nécessaire : un boulevard
pour retracer ces chemins de la liberté qui nous sont chers.
*
En ce dimanche 23
avril, rien de neuf sur la planète.
Une créature de la société du spectacle est en scène.
On lui tend un micro : « En marche ! Oui, tous en marche. »
Cela suffit apparemment à déclencher des vagues d’enthousiasme.
Quelqu’un avait parlé de changer les choses. Je ne sais plus qui.
La société du spectacle est cruelle. Il faut toujours plus de neuf pour oublier le neuf.
Tiens, ça me rappelle le titre d’un roman terrifiant de Richard Bachmann (pseudonyme de Stephen King), publié en 1979 The Long Walk, trad. fr. Marche ou crève.
Alors, oui, c’est ça, tous en marche.
Au fait, vous pensiez le savoir, c’est une marche pour le Prix. Oui, le Prix, l’unique.
Il en faut des carottes pour faire bouger les ânes.
Mais le Prix… ah ! Le Prix ! Avec lui, tout est possible. Tout ce que vous voulez. Vous le demandez. C’est à vous !
Sauf que… il est pour l’Unique d’entre vous qui tiendra jusqu’au bout de la course.
« En marche » il disait…
Oui, nous nous sommes mis en marche et nous ne savions pas (en fait nous n’avons pas voulu savoir), que nous allons tous y passer, sauf le dernier là, qui sera le premier, à qui on décernera le Prix.
Allons, le Prix vaut bien tous les sacrifices. Il n’y en aura pas pour tout le monde. Juste pour un.
L’unique. Le survivant. Le meilleur. Le battant.
Le méritant du spectacle.
Les autres ?
« Marche ou crève » on t’as dit.
Une créature de la société du spectacle est en scène.
On lui tend un micro : « En marche ! Oui, tous en marche. »
Cela suffit apparemment à déclencher des vagues d’enthousiasme.
Quelqu’un avait parlé de changer les choses. Je ne sais plus qui.
La société du spectacle est cruelle. Il faut toujours plus de neuf pour oublier le neuf.
Tiens, ça me rappelle le titre d’un roman terrifiant de Richard Bachmann (pseudonyme de Stephen King), publié en 1979 The Long Walk, trad. fr. Marche ou crève.
Alors, oui, c’est ça, tous en marche.
Au fait, vous pensiez le savoir, c’est une marche pour le Prix. Oui, le Prix, l’unique.
Il en faut des carottes pour faire bouger les ânes.
Mais le Prix… ah ! Le Prix ! Avec lui, tout est possible. Tout ce que vous voulez. Vous le demandez. C’est à vous !
Sauf que… il est pour l’Unique d’entre vous qui tiendra jusqu’au bout de la course.
« En marche » il disait…
Oui, nous nous sommes mis en marche et nous ne savions pas (en fait nous n’avons pas voulu savoir), que nous allons tous y passer, sauf le dernier là, qui sera le premier, à qui on décernera le Prix.
Allons, le Prix vaut bien tous les sacrifices. Il n’y en aura pas pour tout le monde. Juste pour un.
L’unique. Le survivant. Le meilleur. Le battant.
Le méritant du spectacle.
Les autres ?
« Marche ou crève » on t’as dit.
*
J'apprends le décès de Miguel Abensour, un philosophe qui a beaucoup lut, réfléchit, écrit, sur la question des utopies politiques. Contrairement à une idée reçue, il affirme que le totalitarisme est l'ennemi de la pensée utopique. Penser des utopies c'est oser imaginer des alternatives au monde dans lequel nous vivons. Penser l'utopie en tant que telle, c'est tenir tête devant l'injonction : There Is No Alternative (TINA) - qui est une injonction à ne pas penser. En s'affublant du manteau du "réalisme" (arrêtez de rêver, puisqu'on vous le dit qu'un autre avenir n'est pas possible), le néolibéralisme affiche sans complexe sa volonté de puissance totale, c'est-à-dire d'alpha et d'omega du système. Il constitue bien à mes yeux l'accomplissement paradoxal de l'idée de liberté, qui lorsqu'elle se prend à ses propres illusions dégénère en volonté de puissance. Erigé en système d'explication de la complexité sociale, culturelle, économique, en paradigme de toute anthropologie, le néolibéralisme est le troisième grand système totalitaire accouché par la modernité. Contrairement aux deux autres fondés sur l'idée de loi naturelle des races ou de loi historique des lutte de classes, ce dernier est souriant et fait confiance au marché qu'il présente comme principe explicatif ultime. Ce n'est évidemment qu'un masque pour déguiser la loi économique du plus fort. L'histoire du vingtième siècle a prouvé, s'il le fallait, abondamment, les liens détestables qui unissent le grand capitalisme au fascisme. Le darwinisme social comme mécanisme de sélection réside à la fois au coeur de la vision fasciste des plus forts (par raison naturelle du sang et du sol) et de la vision fasciste des meilleurs (en raison de la saine concurrence économique) - ce qui autorise certains à dire en raccourci que le néolibéralisme est un fascisme. Bien entendu, les spécialistes de la nuance et les philosophes politiques hurlent au scandale, à l'amalgame du n'importe quoi. Bien entendu. Mais c'est une relation d'équivalence qui parle directement au sens commun. Une logique commune partagée par tous les fascismes est bien celle de la justification sociale des inégalités ("naturelles", "historiques"). Le néolibéralisme n'est pas une idéologie qui mette au coeur de sa logique le principe de justice - ou plutôt, à la suite de John Rawls, d'Habermas et consort, substitue à des principes transcendants fondant la justice, ceux du calcul et du processus par lesquels toute relation sociale finit par devenir un modèle contractuel de coûts et de bénéfices. Cette corruption de la décence commune qui connaît "instinctivement" le juste et l'injuste est un des éléments à mon avis les plus importants qui explique le rejet émotionnel manifesté à la fois par les classes populaires et par les plus jeunes, d'un système et de ses représentants qui réduisent les relations humaines à des relations mutuelles d'intérêts. Ce n'est pas suffisant. Il y a des alternatives. Et quand bien même ce serait une vérité des sciences du vivant que de décrire tout système complexe comme le processus permanent d'auto-ajustements adaptatifs entre gagnants et perdants, quand bien même, la condition proprement humaine n'implique-t-elle pas de s'élever au-dessus de notre nature? Qui mérite du nom d'être humain? Le langage ne trahit pas, nous savons ce que signifie cette expression, elle veut dire simplement : avoir du coeur.
*
En ce détour
banal d'une rue de Brüzel, soudain l'enroulement de l'espace. Furtif, j'échappe
au piège de la bande dessinée.
*
... un instantané
dans la vie d'un humble programme qui voulait juste danser la java - au moment
où il s'élance, intrépide il charge toutes ses classes en mémoire, puis fait un
faux pas, trébuche et c'est la javanaise...
Error: Could not find or load main class Factorial.class
[Loaded java.lang.Shutdown from
/Library/Java/JavaVirtualMachines/jdk1.8.0_131.jdk/Contents/Home/jre/lib/rt.jar]
users-iMac:company lesmetamorphosesdec.$
... homme
politique à qui tout semble sourire, prend garde que ton envol ne s'aplatisse
aussi sec dans la mémoire du système dont tu es issu, petite variable qui a vu
trop grand, factorielle 1000, zéro.
La morale de cette histoire : qui est fait de
vide devrait se méfier des trous d'air.
*
Une insomnie. Le chat attendait en bas. Les
petits grandissent à vue d’œil. Elle est montée dans le salon. J’entends de
nombreux ronrons de satisfaction. Met de l’ordre dans des papiers, carnets,
index de documents. Quelques souvenirs à l’occasion du rangement, le carnet
Paperblank reçu en cadeau par Moe Clark, avec ces mots Kinanâskomitin Christo Datso et Maelström Bertoni : c'était au
Canadian Festival of Spoken Words à Montréal du 4 au 9 novembre 2013. Une
enveloppe dans le carnet contient un bout d’écorce et du tabac, tradition des
ancêtres Cree de Moe dans les plaines de l’Alberta et du Saskatchewan. Cela
veut dire « Merci » en langue Cree (référence du Alberta Elder’s Cree
Dictionary English-Cree dont Moe avait parlé à l’occasion d’un de ses voyages).
Un autre carnet, l’Agenda Pléiade 2017 à la
semaine en cours, dont je recopie la citation :
« Après des
années quand on y resonge il arrive qu’on voudrait bien les rattraper les mots
qu’ils ont dits certaines gens et les gens eux-mêmes pour leur demander ce
qu’ils ont voulu dire… Mais ils sont bien partis!… On avait pas assez
d’instruction pour les comprendre… On voudrait savoir comme ça s’ils n’ont pas
depuis changé d’avis des fois… Mais c’est bien trop tard… C’est fini!… Personne
ne sait plus rien d’eux. Il faut alors continuer sa route tout seul dans la
nuit. »
- Louis-Ferdinand Céline (1894-1961), Voyage au bout de la nuit, 1934
La nuit passe ainsi, la maison va bientôt se
remettre à bouger... Je vais préparer le café pour un bon matin avec ma blonde.
*
Et nous terminons cette revue des événements
mémorables ou minuscules du mois, par un écho de la cruelle vie littéraire il y
a soixante ans, rappelés à notre bon souvenir par l’Agenda 2017 de La Pléiade. Ah !
Les jolies phrases assassines. Les gens de lettres n’ont pas attendu Facebook
pour régler des comptes. Fera-t-on écho en 2077 aux querelles picrocholines qui
nous agitent aujourd’hui ?
« Le même
jour (14 avril 1957), Françoise Sagan a un accident en Aston-Martin :
traumatisme crânien. « Vivre dangereusement, cela ne vaut rien »,
écrit Chardonne à Morand le lendemain.
Les Aston-Martin « ont le cul un peu léger dans les virages pris à
plus de 140 », répond Morand le 17.
Le 20, Céline « espère »
que la NRF va « consacrer un numéro spécial à l’accident Sagan… excellente
réclame pour Julliard… et psychanalyse, ivrogneries, troufignoleries,
sublimeries, fouetteries à ravir pour l’état-major… » »
*
Merci à :
Sainte-Beuve pour
ses Poisons
Henri Bergson
pour L’Essai sur les données immédiates
de la conscience
et à Madame André de Linkebeek
pour la visite de
la bibliothèque de son défunt mari
et pour la
collection complète du magazine Pour la Science (1977 à 2017).
Remerciement spécial à Maurice G. Dantec (Grenoble, 13 juin 1959 –
Montréal, 25 juin 2016), « écrivain nord-américain de langue
française » comme il se définissait lui-même, à qui j’emprunte le titre de
« Théâtre des opérations » pour le texte que vous venez de parcourir.
Précédents épisodes du Théâtre des Opérations :