Fossils by Heartless Machine Credits : New York Magazine |
L’article par lequel le
« scandale » arrive, un papier publié dans le New York Magazine du 9 juillet 2017 par David Wallace-Wells : The Uninhabitable Earth…
sooner than you think
Il faut
impérativement commencer par lire ce papier (en anglais), il est long - imprimé
sans les images, publicités ou commentaires, il fait 13 pages au format A4. Il
faut le lire pour le choc quasi-physique qu’il procure. En tout cas, moi j’ai
été bien secoué. C’était le but. Aussi, afin de rendre visible la progression
dramatique de ce récit d’un grand collapsus et d’en faciliter la lecture, je
reprends ici la structure du texte avec une brève incise sur chaque chapitre :
I.
‘Doomsday’ (la ‘machine à fin du monde’
est lancée, le dégel du permafrost et la libération de méthane vont accélérer
l’effet de serre – ou « vous croyez que le réchauffement climatique va
consister uniquement en élévation du niveau des mers ? Détrompez-vous »)
II.
Heat Death (le scénario d’une limite des 4
degrés d’augmentation moyenne de la température sera atteint et probablement
dépassé, des vagues de chaleur mortelle vont s’abattre régulièrement sur
plusieurs parties du monde : New York connaîtra des températures similaires à
Bahreïn pendant les mois d’été vers la fin du siècle ; Bahreïn ne sera
déjà plus habitable depuis longtemps, ainsi qu’une grande partie du
Moyen-Orient et du Golfe Persique)
III.
The End of Food (les sécheresses amèneront la
destruction de l’agriculture et la famine, les grands pays producteurs seront également
touchés et ne pourront plus compenser les pertes ailleurs)
IV.
Climate Plagues (le dégel du permafrost va libérer
des bactéries et des virus auxquels l’homme moderne n’a plus été exposé depuis
longtemps, voire inconnus de notre espèce, de nouvelles épidémies vont se
répandre. Un remake du virus de la grippe espagnole voire plus si
affinités ?)
V.
Unbreathable Air (la pollution de l’air couplée au
réchauffement va rendre l’air des villes irrespirable – on l’a déjà vu, par
exemple en Chine en 2013)
VI.
Perpetual War (les catastrophes climatiques
trouveront aussi des conséquences sociales et (géo)politiques : violences
multipliées et guerres accrues pour l’accès aux ressources – c’est déjà le cas,
faut-il s’en étonner ?)
VII.
Permanent
Economic Collapse (cela semble être le moindre des soucis, mais oui, à côté de
laquelle la Grande Dépression des années 1930 fera petite figure avec le « collapse »
des infrastructures, du transport et de l’organisation sociale – on aura noté
que plusieurs des effets de ce scénario vont se renforcer les uns les autres)
VIII.
Poisoned Oceans (l’anoxie des océans résultant de
l’acidification croissante – et des nuages de sulfure d’hydrogène qui vont se
balader… une asphyxie de tout ce qu’il y a en-dessous ? ce scénario-là est
vraiment bad)
IX.
The Great Filter (que pouvons-nous faire : la
géo-ingénierie est-elle la dernière option qui nous reste?)
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· Une première réponse du climatologue
Michael E. Mann le 10 juillet sur une note Facebook publique :
“I have to say that I
am not a fan of this sort of doomist framing.”
“…there
is also a danger in overstating the science in a way that presents the problem
as unsolvable, and feeds a sense of doom, inevitability and hopelessness.”
Il y a un
point particulier du papier de David Wallace-Wells avec lequel Michael E. Mann
n’est pas d’accord, les résultats d’une étude scientifique récemment publiée
par ses soins dans Nature Geoscience
et qui a fait l’objet d’un article dans The
Guardian.
L’article
du Guardian, 28/06/17 :
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· Daniel Aldana-Cohen, professeur de
sociologie à l’université de Pennsylvanie, entame une première charge frontale
contre l’article de David Wallace-Wells, le 10 juillet sur Medium :
“The New York magazine
piece “The Uninhabitable Earth” by David Wallace-Wells selectively fetishizes
natural science and is socially and politically hopeless.”
Tout le monde ne sera pas égal devant les
crises. Les différences de richesse seront causes
sociales de ceux qui meurent et de ceux qui survivent, autant sinon plus
que les causes physiques directes
(éco-apartheid). Cela rejoint l’argumentaire de la critique de l’Anthropocène
de la part de penseurs néo-marxistes (que j’évoquerai dans un prochain billet à
propos du livre d’Andreas Malm).
L’espoir – contrairement au papier de
Wallace-Wells – existe, il réside dans les luttes politiques :
“Every bit of victory
is worth winning. That’s how I see Antonio Gramsci’s “war of position” in the
twenty-first-century: carbon trench war. From each dug-in position, the chance
for a sudden surge forward. We don’t know when that moment comes. But we fight
stubbornly until it does, so that we’re ready. To keep up our spirits, we share
stories: about flashes of heroism and about long uncertain living, about liquid
dangers and warm pleasures.”
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· Une réponse d’Emily Atkin publiée le
10 juillet dans New Republic :
Elle
reprend la critique scientifique de Mann :
“Mann only disputed the
threat posed by the release of methane frozen in permafrost, and the
characterization of a study about the pace of global warming. He left the rest of the piece untouched.”
Elle
reprend également l’argument qu’une vision trop pessimiste va décourager les
gens d’agir, à quoi Wallace-Wells répond (dans un tweet) qu’il cherche à
provoquer un sentiment de peur, parce que la peur est également une force
importante qui nous pousse à agir. Wallace-Wells a choisi de secouer son
lecteur et nous pensons qu’il y réussit. Après, comme toujours, nous retournons
au « business-as-usual » et nos biais cognitifs habituels, entré
déni, résignation ou acceptation modérée.
Emily Atkin
signale à la fin de son article qu’il faut nous décider maintenant à promouvoir
les solutions, qui existent :
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· Parmi les autres commentaires, je
retiens celui-ci (10 juillet sur Digg):
L’article
du New York Magazine est-il « trop pessimiste », ne risque-t-il pas
de provoquer une réaction d’inhibition de l’action ? Non, répond l’auteur
et je fais mienne sa conclusion, « il est temps de secouer nos
imaginations ».
“And so I thought even
just as a kind of experiment in psychological anchoring, it was useful to say,
here’s really the worst case outcome that you should be thinking about probably
as often as you think about the best case outcome, which is the world that you
walk through every day. There’s been a sort of general failure of imagination
that means we’ve accepted what’s the median-likely outcome as a worst-case
scenario. As a result we’ve been a bit handicapped in thinking about how much
action needs to be taken.”
The classic image of eco-apartheid, from the perspective of the sky, in which socio-ecological inequality is both gruesome and frozen. A picture from São Paulo, by Luiz Arthur Leirao Vieira. Credits : medium.com