jeudi 30 juin 2016

La fondation de la liberté chez Hannah Arendt (I)

La fondation de la liberté chez Hannah Arendt (I)

Une lecture de The abyss of nothingness
                                                                                   


1. Introduction


  Le présent texte fait partie de mon projet de recherche consacré à Hannah Arendt. Il contient les notes de préparation d’un séminaire présenté le 19 mai dernier à l’U.L.B. dans le cadre du groupe de lecture en phénoménologie de la faculté de Philosophie, sous la supervision du professeur Antonino Mazzù. Le titre de la séance du séminaire était le suivant :
Une lecture de « l’abîme du néant » d’Hannah Arendt
  à propos d’un passage d’Hannah Arendt, in « Le vouloir », La vie de l’esprit, Presses Universitaires de France coll. « Quadrige », Paris 1981, p. 531 

  Il s’agissait cette année de poursuivre l’étude de la « question du Rien » en phénoménologie, à travers la lecture commentée par les participants d’auteurs aussi divers qu’Henri Maldiney, Maurice Blanchot, Martin Heidegger, Marc Richir, Peter Sloterdijk, Michel Henry et Hannah Arendt. La séance du 19 mai consacrée à Arendt clôturait les travaux de l’année académique. L’année dernière (à laquelle je n’avais pas participé) avait été consacrée à la lecture d’extraits de Heidegger, Husserl, Sartre et Merleau-Ponty.
  Ce qui avait motivé une lecture commentée de la contribution d’Hannah Arendt à cette « question du Rien » semblait bien mince au départ, à peine une mention énigmatique, furtive, glissée dans les conclusions de La vie de l’esprit. Voici l’extrait en question, d’abord en version originale, ensuite en traduction :

The foundation legends, with their hiatus between liberation and the constitution of freedom, indicate the problem without solving it. They point to the abyss of nothingness that opens up before any deed that cannot be accounted for by a reliable chain of cause and effect and is inexplicable in Aristotelian categories of potentiality and actuality.
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Hannah Arendt, The Life of the Mind one-volume edition, A Harvest Book / Harcourt, Inc., San Diego, New York, London, © 1971, © 1978, p. 207

Les fondations légendaires et leur hiatus entre libération et constitution de la liberté signalent la difficulté sans la trancher. Elles désignent l’abîme de néant qui s’ouvre devant toute action dont on ne peut rendre compte par un enchaînement fiable de cause à effet, et qui ne se laisse pas expliquer par les catégories aristotéliciennes du potentiel et de l’actuel.
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Hannah Arendt, La vie de l’esprit, (édition en un volume), Presses Universitaires de France coll. « Quadrige », 1981, Paris, p. 531

  J’avais proposé aux participants un plan de lecture avec deux chapitres de l’œuvre d’Arendt : La Vie de l’Esprit, tome 2 Le vouloir, Chap. 4 Conclusions §16 L’abîme de la liberté et le novus ordo seclorum, p. 516-543 et De la Révolution, Chap. 5 Fondations II : Novus Ordo Saeclorum §II p. 298-328 (Folio essais n°581). Finalement, l’effort s’est concentré uniquement sur La Vie de l’Esprit.

  Je précise que ces notes ne constituent en aucune manière le texte d’une conférence, elles m’ont uniquement servi à préparer mon intervention qui a consisté à appuyer la lecture commentée d’extraits du texte d’Arendt et à réagir aux questions ou aux interventions diverses des participants. La méthode du travail de ces groupes de lecture consiste en effet en un mélange stimulant d’improvisation, de libre-association entre diverses idées qui surgissent de la lecture et d’un minimum de préparation de celui qui présente le texte, comme il se doit par une lecture à voix haute.
  Ceci explique que le texte ci-dessous mélange des interventions écrites dans un style proche du langage parlé avec des annotations du texte d’Arendt. Ces dernières renvoient aux paragraphes (§) et pages de l’édition utilisée. La raison pour laquelle je choisi de publier ce document de travail sur le blog est d’une part, parce que ce document est tout à fait conforme à l’esprit des Métamorphoses de C. (travail d’écriture et de réflexion, brouillons, fragments), d’autre part, parce que j’espère qu’il pourra servir à prolonger le dialogue avec d’autres lecteurs et qu’il m’aidera peut-être à préparer le texte d’une intervention, en bonne et due forme celle-là, pour un colloque organisé par l’U.L.B. à la prochaine rentrée académique destiné à présenter quelques-uns des travaux du groupe de recherche en phénoménologie sur « la question du Rien » mêlés à des interventions de chercheurs d’autres universités.


2. Notes préparatoires au séminaire





5 mai


De la Révolution p. 25 (Introduction), quelques citations :

« L’hypothèse d’un état de nature implique en effet l’existence d’un commencement, séparé de tout ce qui est par un abîme infranchissable. »

« Le rapport entre le problème du commencement et le phénomène de la Révolution est évident. »

« … toute la fraternité dont les humains sont capables est issue d’un fratricide… au commencement était un crime. »




9 mai


  Le texte suivant est soumis à votre attention : il s’agit de la fin du Chapitre 4 du tome 2 « Le vouloir » dans La vie de l’esprit d’Hannah Arendt, 1981, PUF coll. « Quadrige » en un volume.
  La question du Rien y est formulée d’une manière énigmatique et lapidaire ; il s’agira d’en percer le sens par une lecture aussi complète que possible du texte lequel constitue la dernière partie d’un long chapitre de « Conclusions », fermant ainsi l’ouvrage inachevé d’Arendt qu’est La vie de l’esprit. Ce §16 intitulé L’abîme de la liberté et le novus ordo seclorum, p. 516-543, qui va faire l’objet de la lecture, est important dans l’économie générale de l’ouvrage car il constitue en quelque sorte la conclusion des Conclusions, opère la synthèse de quelques moments-clés d’une étude de la Volonté développés dans le corps du livre et reprend la thématique sur laquelle nous allons nous interroger au Chapitre 5 du livre qu’Arendt a consacré à la Révolution, chapitre dont le titre est « Fondations II : Novus Ordo Saeclorum » en particulier §II p. 298-328 dans l’édition Folio essais.
  Toutefois, pour les besoins du séminaire, le texte tiré de La vie de l’esprit devrait se suffire à lui-même.

Questions pour une phénoménologie d’Hannah Arendt

·      Plus fondamentalement, en quoi Arendt relève-t-elle de la phénoménologie ?
·      Qu’est-ce qu’un phénomène politique, peut-on parler d’une phénoménologie politique ou du politique avec Arendt?
·      Quel est le sens et le statut de l’apparition dans l’espace public des êtres humains les uns pour les autres, modalité d’existence dans l’action selon Arendt?
·      D’où vient ce concept d’apparaître utilisé par Arendt?
·      Le commencement absolu, la fondation « d’un nouvel ordre des siècles » n’est-il pas le prototype de l’événement pur, du phénomène pur dans l’univers d’Arendt?
·      Quelle est l’ontologie des fondations chez Arendt? Quel est l’être de l’apparaître politique? (pour autant que la question ait un sens)
·      En quoi la fondation politique se distingue-t-elle du fondement tel que pensé par Husserl
·      Cette phénoménologie politique originale d’Arendt qu’il faut s’efforcer de penser en tant que telle, présente un lien spécifique au temps à travers la question de la fondation et du Rien qu’Arendt identifie sans parvenir à le penser, question qui reste en l’état d’intuition dont elle tente l’interprétation à travers la littérature (Virgile) et l’étude des révolutions américaine et française.
·      ….


  Je vais donc vous parler de quelques extraits tirés d’un chapitre de La vie de l’esprit d’Hannah Arendt : il s’agit du dernier chapitre intitulé « Conclusions » et en particulier de la dernière section de ce chapitre terminal qui porte pour titre énigmatique « L’abîme de la liberté et le novus ordo seclorum ». Je tiens  à préciser quelque chose qui sera important pour la compréhension de la suite, une nuance de vocabulaire concernant la nature de ces « Conclusions ». Il ne s’agit pas de la fin de La vie de l’esprit mais du dernier chapitre connu car comme vous le savez ce livre était destiné à être complété d’une troisième partie. Il sera utile de citer Mary McCarthy, exécutrice testamentaire d’Hannah Arendt, éditrice de La vie de l’esprit, qui écrivait ceci en 1978 pour présenter ce livre publié à titre posthume :

Hannah Arendt est morte subitement le 4 décembre 1975. C’était un jeudi soir ; elle recevait des amis. Le samedi précédent, elle avait terminé La volonté, seconde partie de La vie de l’esprit. Comme La condition de l’homme moderne qui l’avait précédé, l’ouvrage était conçu en trois parties. Alors que La condition de l’homme moderne, dont le sous-titre est vita activa, se subdivise en Travail, Œuvre et Action, La vie de l’esprit, comme cela avait été prévu, se subdivise en Pensée, Volonté et Jugement, les trois activités fondamentales, à ses yeux, de la vie mentale[1].

  Il serait bon également de dire quelques mots de l’histoire de ce livre qui ne fut publié qu’en 1978, mais dont les premières traces remontent au début de la décennie. En effet, le début du tome I consacré à La pensée avait fait l’objet d’une conférence prononcée à la New School for Social Research le 30 octobre 1970 ; ce texte fut ensuite publié dans la livraison de l’été 1971 de la revue de l’école Social Research sous le titre : Thinking and Moral Considerations. Jerome Kohn qui devint à la mort de Mary McCarthy en 1989 lui-même exécuteur testamentaire d’Hannah Arendt – il avait été son dernier assistant à la New School, a publié le texte de la conférence dans le recueil Responsibility and Judgment en 2003, traduit en français.[2] On en trouve également une autre traduction en français datant de 1993, publiée avec en guise de prologue l’oraison funèbre de Mary McCarthy parue le 22 janvier 1976 dans le New York Review of Books[3], texte dans lequel elle écrit :

Je dis « son dernier livre », et c’est ainsi qu’elle le considérait : comme sa tâche finale ou le couronnement de ses efforts (si seulement elle parvenait à le mener à bien) ; non seulement pour remplir l’autre côte de la médaille des capacités humaines [ici, Mary McCarthy évoque la triade de la vita activa], mais pour rendre hommage à la capacité la plus haute et la moins visible : l’activité de l’esprit. Si elle avait vécu assez longtemps pour voir le livre imprimé (deux tomes, en fait), elle eût sans doute continué d’écrire, puisque sa nature était de s’exprimer autant que de réfléchir, mais elle eut senti que son vrai travail était accompli.[4]

  Les mots de Mary McCarthy sont forts: « tâche finale », « couronnement ». Il y a bien selon son point de vue une notion d’achèvement, d’accomplissement à laquelle La vie de l’esprit aurait put prétendre, mais ce n’est pas le seul élément important pour comprendre la raison d’être de cet ouvrage. Mary McCarthy en discerne une autre dans le lien d’Hannah Arendt à son mari Heinrich Bluecher :

Quand il [Heinrich] mourut, vers la fin de 1970, de façon très subite (bien que moins subite qu’elle), elle se retrouva seule [ce que Mary McCarthy veut dire par là c’est que : « pour elle, Heinrich était comme une paire de lunettes correctives ; elle ne faisait pas tout à fait confiance à sa vision avant qu’elle ne fut confirmée par lui », il était pour elle Hannah, non seulement un mari et un ami, mais aussi « le dernier de ses professeurs »]. Entourée d’amis, elle voyagea comme une passagère solitaire sur son train de pensées. Ainsi, La Vie de l’esprit, commencée pendant ces années de désolation, fut conçue et mûrie pour (et, elle devait l’espérer, avec) Heinrich Bluecher : pas précisément un monument, mais quelque chose comme un triptyque ou un paravent avec, au centre, la mystérieuse volonté [c’est moi qui souligne. Les deux autres volets du triptyque étant constitués de la pensée d’une part et du jugement d’autre part]. C’est en tout cas l’idée que je m’en suis faite ; on ne peut plus lui poser la question à elle.[5] 

  Heinrich Bluecher était devenu philosophe autodidacte lors de son exil américain avec Hannah Arendt. Il enseignait au Bard College dans l’état de New York un enseignement purement oral et cette caractéristique combinée à la nature de leurs relations a fait dire à Karl Jaspers,  dans une lettre à Hannah Arendt du 10 décembre 1965, qu’il était pour elle un Socrate dont elle avait besoin pour qu’il puisse l’aider à mettre ses idées en forme :

La façon dont Heinrich a réalisé sa vie, si on la compare à celles de grandes figures, rappelle vraiment Socrate et Ammonios Sakkas (dont les élèves ont été Origène et Plotin) : une influence personnelle dont on ne saurait rien si d’autres ne le faisaient savoir. Mais seul Socrate a trouvé son Platon, et une telle chose ne s’est jamais reproduite. De Heinrich tu as reçu des impulsions qui ne m’ont pas échappé. Et, me semble-t-il, de même que les pensées de Platon ne seraient pas sans Socrate, de même les tiennes ne seraient pas ce qu’elles sont sans Heinrich. C’est une autre sorte de productivité qui est en mesure de traduire ces impulsions. [6]

  Lorsqu’elle rédige l’oraison funèbre pour son amie, le temps a passé depuis la mort d’Heinrich, mais ce que Mary McCarthy a vraisemblablement oublié ou, plutôt dirais-je ce qu’elle a refoulé dans sa mémoire, c’est que, alors qu’elle écrit en 1976 sans autre précision « qu’Heinrich mourut, vers la fin de 1970, de façon très subite », Heinrich est en fait mort le 30 octobre 1970 c’est-à-dire le jour même où Hannah Arendt prononçait sa conférence à la New School sur « Pensée et considérations morales » de laquelle, comme nous le savons maintenant, allait dériver toute La vie de l’esprit ouvrage marqué lui-même par l’incomplétude, l’inachèvement, qui aurait été ce livre couronnement d’une carrière aux yeux d’Arendt, si le destin en avait décidé autrement, livre qu’elle aurait dédié à Heinrich Bluecher.
  Si j’insiste sur ces éléments biographiques, c’est parce que l’ouvrage auquel nous allons nous intéresser porte la trace de plusieurs béances, puisqu’il débute si l’on peut dire par un texte prononcé par Hannah Arendt le jour de la mort de son mari et qu’il s’achève mutilé le jour de sa mort à elle. Du coup, le dernier chapitre du livre sur lequel elle a put mettre la main, quelques jours avant le 4 décembre 1975, a valeur de testament, non pas au sens d’une volonté explicite de sa part, mais pour nous qui le recevons en héritage et dans le titre énigmatique duquel nous lisons « L’abîme de la liberté et le novus ordo seclorum ». Nous allons nous interroger du sens de cet « abîme » qui est redoublé dans un passage du texte, dans les toutes dernières pages, où elle évoque rapidement « l ‘abîme de néant qui s’ouvre devant toute action » (dans le texte original : « the abyss of nothingness »), mais pour commencer je voudrais évoquer l’autre versant de ce titre et me demander à quoi il se réfère.
  En fait, le novus ordo seclorum ou « nouvel ordre des siècles » est une devise qui apparaît sur le revers du grand sceau des États-Unis dessiné en 1782, lui-même repris sur les billets de 1 dollar depuis 1935. Cette devise est tirée d’un vers de Virgile, dans la Quatrième Eglogue des Bucoliques. Comme nous le verrons Virgile est abondamment commenté par Arendt dans ce chapitre. Je me contente pour le moment de citer en latin le début du poème :

Sicelides Musae, paulo majora canamus !
non omnis arbusta juvant humilesque myricae ;
si canimus silvas, silvae sint consule dignae.
Ultima Cumaei venit jam carminis aetas ;
Magnus ab integro saeclorum nascitur ordo.
Jam redit et Virgo, redeunt Saturnia regna ;
Jam nova progenies caelo demittitur alto.

… et dans une traduction classique en français de M. Nisard, à Paris, en 1850 :

Muses de Sicile, élevons un peu nos chants.
Les buissons ne plaisent pas à tous, non plus que les humbles bruyères.
Si nous chantons les forêts, que les forêts soient dignes d'un consul.
Il s'avance enfin, le dernier âge prédit par la Sibylle :
je vois éclore un grand ordre de siècles renaissants.
Déjà la vierge Astrée revient sur la terre, et avec elle le règne de Saturne ;
déjà descend des cieux une nouvelle race de mortels.

  L’ensemble du projet de La vie de l’esprit porte la marque de l’oralité puisque ce fut à l’occasion des Gifford Lectures à l’université d’Aberdeen qu’ « elle décida de tirer parti de l’occasion par un galop d’essai des volumes en préparation » comme le signale Mary McCarthy dans sa préface. « Les conférences jouèrent aussi le rôle de stimulant » dit-elle, Arendt s’ajoutait à une liste prestigieuse d’auteurs qui y avaient élaborés quelques-uns de leurs livres les plus fameux : « Les variétés de l’expérience religieuse [de William James], Process and Reality de Whitehead, Le mystère de l’être de Gabriel Marcel, L’esprit de la philosophie médiévale d’Etienne Gilson avaient vu le jour au cours de ses conférences… »

Après avoir accepté, elle exigea d’elle-même sans doute plus qu’elle n’aurait dû, pour que les textes soient prêts dans les délais impartis ; elle prononça la première série de conférences, sur la Pensée, au printemps 1973. Au printemps 1974, elle retourna à Aberdeen pour la seconde série, sur la Volonté, et fut interrompue par une crise cardiaque après la première séance. Elle avait projeté de revenir au printemps 1976, pour finir les séries ; dans l’intervalle, elle avait présenté la plus grande partie de la Pensée et la Volonté à ses séminaires de la New School for Social Research de New York. Elle n’avait pas commencé le Jugement, mais s’était servie d’éléments relatifs au jugement dans ses cours sur la philosophie politique de Kant, donnés à l’université de Chicago et à la New School [il s’agit d’un cycle de treize conférences et d’un séminaire prononcés à l’automne 1970 à la New School, avant et / ou après celle dont j’ai déjà parlé sur les « Considérations morales ». Par contre : « elle en avait présenté une première version à l’Université de Chicago en 1964, et le matériau figurait également dans les conférences consacrées à la philosophie morale qu’elle donna en 1965 et 1966 à Chicago et à la New School »[7] Si l’on tient donc compte de la généalogie complète de La vie de l’esprit, force est de constater qu’Arendt a d’abord réfléchi aux questions du jugement à partir de la troisième critique de Kant dès 1964, avant d’aborder les questions délicates de la Pensée à partir de 1970 et surtout de la Volonté probablement vers 1973 ou au plus tard 1974]. Après sa mort, on trouva sur sa machine à écrire une feuille de papier, vierge à l’exception du titre « Jugement » et de deux épigraphes. Elle a dû s’installer, à un moment donné, entre le samedi, où elle a fini la Volonté, et le jeudi de sa mort, avec l’intention d’attaquer la dernière partie.[8]

  La mort, cette nécessité absolue de l’existence a imposé à Arendt que les dernières lignes du chapitre dont nous allons parler constitueraient la « fin » de son livre ; mais comme nous savons que telle n’était pas son intention je me demanderai, faisant écho aux analyses qui courent sur la faculté de la volonté dans cette deuxième partie de La vie de l’esprit, si la mort n’est pas plutôt un élément purement contingent, accidentel qui a brisé net sa volonté propre. La vieille distinction philosophique entre le nécessaire (le caractère de ce qui est nécessairement vrai, de ce qui ne peut pas être autrement) et le contingent (la possibilité qu’une chose arrive ou n’arrive pas) trouve ici une illustration à la fois cruelle et ironique dans le chef de notre auteur confrontée soudainement au néant.
  Pour le dire encore autrement, si la volonté est la condition de possibilité de la liberté – qui est elle-même la condition de possibilité de l’action, alors tout ce qui vient interrompre la réalisation d’un objet issu de nos volitions représente une force adverse. Mais toujours d’autres actions, d’autres possibilités de volitions résultent de ces confrontations incessantes entre le vouloir et le monde jusqu’à ce qu’une existence se termine parfois dans la surprise. Il ne fait pas de doute qu’Arendt aurait achevé son triptyque si elle avait put disposer d’encore un peu de temps. Il ne fait pas de doute que son projet a été interrompu et que nous sommes forcés de considérer ces pages consacrées à « L’abîme de la liberté et le novus ordo seclorum » comme étant les toutes dernières de son œuvre qu’elle ait consciemment rédigées et donc par conséquence signent le tout de son œuvre achevée, par nécessité.
  A la chaîne causale des concepts cités plus haut : volonté, liberté, action, j’en ajouterai encore un, postulant avec Arendt que le temps est la condition de possibilité de la volonté. Or, si le temps vient à manquer, il aura pour effet de rendre difficile voire impossible toute condition d’émergence d’actes nouveaux, volontaires et libres, ce qui sera une façon de prouver par l’absurde qu’il constitue bien la condition première de tout projet humain.  
  Tout le propos de la deuxième partie de La vie de l’esprit tient dans l’articulation de ces concepts de volonté et de liberté autour d’une certaine conception du temps, en particulier d’un temps orienté ou vectorisé qui indique le futur comme direction et comme horizon.
  Il ne s’agit pas à présent d’en faire une analyse complète dans le cadre du séminaire mais de vous donner quelques indications pour éclairer notre lecture des extraits que je vous signalerai au terme de ma présentation.


  La conférence séminale de La vie de l’esprit est nous l’avons vu celle consacrée à « Pensée et considérations morales » prononcée le jour de la mort d’Heinrich Bluecher. Lorsqu’elle publia ce texte en 1971 dans Social Research, Arendt y ajouta une dédicace : Pour W.H. Auden. Qui était-il ? Il s’agit du poète anglo-américain Wystan Hugh (W.H.) Auden (1907-1973) devenu l’ami d’Hannah Arendt en 1958 après la publication de The Human Condition. C’est un poète qu’elle cite à trois reprises dans La vie de l’esprit : une première fois dans La pensée, ensuite par deux fois dans Le vouloir. Pour la petite histoire, après le décès d’Heinrich, W.H. Auden demanda Hannah Arendt en mariage, ce qu’elle refusa poliment.

  « Dès le début de ces considérations » Arendt nous dit que « toute philosophie de la Volonté est conçue et énoncée non par des hommes d’actions, mais par des philosophes, les « penseurs de profession » de Kant », c’est-à-dire par ceux qui sont « plus disposés par nature à « interpréter le monde » qu’à le « changer » ».
  On aura reconnu dans cet emprunt la célèbre Onzième Thèse sur Feuerbach de Karl Marx : « Les philosophes n’ont fait qu’interpréter diversement le monde, ce qui importe, c’est de le transformer. » [9] Cette remarque préliminaire à la dernière section des « Conclusions » du livre Le vouloir est importante à plus d’un titre.
  Primo : Arendt fait sienne la thèse de Marx, laquelle rappelons-le, fut écrite en 1845, c’est-à-dire à une époque qui correspond à ce qu’on a coutume d’identifier comme celle du « jeune Marx », celui qui consomme sa rupture avec l’idéalisme allemand en général et avec la gauche hégélienne en particulier et qui rédige quelques-uns des grands textes philosophiques de son œuvre, dont la plupart faut-il également le souligner ne furent connus qu’après sa mort. C’est le cas évidemment de ces notes griffonnées dans un carnet dont Engels assura la publicité en 1888 lorsqu’il les publia en appendice dans son livre Ludwig Feuerbach et la fin de la philosophie classique allemande. Depuis, ces thèses et en particulier la dernière d’entre elles, la onzième, ont connus une diffusion planétaire à tel point qu’elles font partie de la vulgate marxiste qui a finit par obscurcir ou déformer le sens des textes de Marx. Je rappelle également qu’à la même époque où Marx rédigeait ces fameuses thèses en exil à Bruxelles, il travaillait avec Engels sur un texte important : L’idéologie allemande, lequel pour sa part ne fut publié qu’en 1932 sous les auspices de l’Institut du marxisme-léninisme de Moscou, la même année que la Critique de l’économie politique de Marx (ce qu’on à coutume d’identifier comme Les Manuscrits parisiens de 1844). La raison pour laquelle je donne ces éléments est pour vous faire sentir que la compréhension des « Thèses sur Feuerbach » sans les autres textes de Marx connus bien plus tard, tel ce livre majeur qu’est L’idéologie allemande, n’aurait pas beaucoup de sens et qu’Arendt non seulement connaissait ces textes mais qu’elle les avait attentivement lus et médités au début des années 1950 lorsqu’elle travaillait sur un projet de livre, qu’elle abandonna ensuite, qui devait s’intituler Totalitarian Elements in Marxism.[10]
  Il n’est donc pas question de critiquer Arendt pour son utilisation de la thèse sur Feuerbach dans son texte sur Le vouloir, mais d’insister au contraire sur le fait qu’elle en parle en connaissance de cause et qu’il s’agit même pour le coup, d’une partie fondamentale de sa thèse à elle sur le statut de la philosophie et du bios theoretikos. Ceci m’amène au point suivant de mon commentaire de ce passage, plus délicat comme nous allons le voir.
  Secundo : en reprenant la remarque également très célèbre de Kant sur les « penseurs de profession » (Denker von Gewerbe), Arendt enfonce le clou de la critique de la vie théorétique et donne l’impression de vouloir en finir avec la philosophie pure pour ce qui est de penser le registre de l’action, en quoi elle veut dire de la politique. Il n’y aurait alors que « les hommes d’action » qualifiés pour en parler. Mais de quoi parle Kant au juste dans cet extrait et qu’Arendt connaît évidemment sur le bout des doigts? Il s’agit de la partie de la Critique de la Raison Pure (« Théorie transcendantale de la méthode ») dans laquelle il entend exposer « la détermination d’un système complet de la raison pure »[11] à partir d’une discipline, d’un canon, d’une architectonique et d’une histoire. L’expression qui nous intéresse (Denker von Gewerbe) usitée par Arendt se trouve dans l’architectonique, soit « l’art des systèmes » ou « la théorie de ce qu’il y a de scientifique dans notre connaissance en général »[12] et en particulier dans l’extrait suivant, qu’il convient à présent de citer de manière extensive pour bien saisir l’enjeu de cette expression :

Il est de la plus haute importance d’isoler des connaissances qui sont distinctes d’autres connaissances par leur espèce et leur origine, et d’empêcher soigneusement qu’elles ne se mêlent et ne confondent avec d’autres, avec lesquelles elles sont ordinairement liées dans l’usage.[13]




14 mai


Division psychologique classique de la VE (les facultés) entre : volonté (action), sensibilité, intelligence (pensée)

1.     Envoi (p. 516)
2.     Duns Scot, antinomie entre la nécessité et la liberté (p. 516-517)
3.     Spéculations des idéalistes ou des matérialistes confrontés au problème de la volonté (p. 518-520)
4.     La liberté politique garantit l’exercice de la liberté philosophique dans des limites – notion de pluralité humaine, domaine de l’action (p. 520-523)
5.     L’origine des mythes fondateurs comme réponse à l’impasse du non-savoir (p. 523-526)
6.     Importance de Rome et Jérusalem pour les hommes d’action du XVIIIè (p. 526-527)
7.     Question du hiatus, du commencement, sens du mot révolution (p. 528-529)
8.     Le nouvel ordre des siècles, les grands siècles vont renaître, l’abîme de la liberté, arbitraire total du commencement (p. 530-531)
9.     Ce problème concerne l’action confrontée à l’abîme du néant, dépassement d’Aristote (p. 531)
10. Nécessité d’un législateur suprême (p. 531-533)
11. Etat futur de récompenses. Ruses (p. 533-534)
12. Virgile. Renaissances (p. 534-537)
13. Commentaire de la 4è églogue. Eschatologie, temps cyclique. Echec des conceptions de la liberté (p. 537-542)
14. St-Augustin. La naissance. Le jugement (p. 542-543)


§1: Remarque sur les penseurs de profession (Kant). Remarque sur « interpréter » vs « changer » le monde (Marx)

§2: Duns Scot et le principe d’individuation. « Je qui dure », actes de volition. Notion de liberté liée à celle de la contingence, individu : « être différent de ce qu’il est ».

« La volonté avec ses projets de futur… complaisance »
Antinomie de la nécessité et de la liberté « payée du prix de la contingence »
Pessimisme de la liberté
(Heidegger : abandon sous lequel l’existence a été laissée à elle-même)
Surface incendiée
Antinomie de la réflexivité et de l’intentionnalité

§3: Les scientifiques et la volonté. Préjugé – surprise de rencontrer ce préjugé (pourquoi ?) « Dieu joue aux dés », « monde extérieur = monde intérieur retourné comme une chaussette »
à Enoncés appuyés sur la connaissance et propositions spéculatives à le moi pensant s’introduit dans l’activité cognitive, se met « hors de l’ordre », s’enroule en spirale sur lui-même en méditant sur l’incompréhensibilité fondamentale qui reste une énigme (Einstein).
Crise des fondations de la science moderne : « comment doit être le monde pour que l’homme puisse le connaître ? » (Thomas Kuhn)
Orgie de pensée spéculative, idéalistes allemands, Kant
« L’Esprit du Monde » de Hegel devient un ordinateur géant (Lewis Thomas)
Spéculation du matérialisme scientifique identique à celles des idéalistes
Fonction affective de ces spéculations qui ont pour but d’éliminer la liberté vue comme un « mythe ».

§4: Les penseurs de profession, philosophes ou hommes de science sont incapables de soutenir la cause de la liberté. Liberté philosophique  - exercer sa volonté ; liberté politique – exercer ses droits à la sûreté, garantie par un gouvernement (Montesquieu).
Je peux. Je veux.
Liberté : « le Pouvoir de faire ce qu’on veut ».
Liberté de mouvement : pouvoir de se déplacer sans contrainte à implique ou présuppose la pluralité humaine.

§5: la violence comme succédané de pouvoir. Grande diversité des formes de la pluralité (principes d’inspiration, gouvernements), avec un seul trait commun : leur genèse, i.e. se voir sous les traits d’un « Nous ».
Les mythes fondateurs : « au commencement ». Question d’une obscurité obsédante. Origines de la vie, de l’univers, de l’homme, impasse de non-savoir, d’une « improbabilité infinie ».

Principe anthropique

 §6: L’amour de la liberté est à la source des deux fondations légendaires de la civilisation occidentale : Rome et Jérusalem. Libération de l’oppression, établissement de la liberté comme réalité stable (commencer quelque chose de nouveau).
Narration de l’Exode et de Virgile (l’Enéide). Les hommes d’actions du XVIIIè scrutant les archives de l’Antiquité à la recherche de modèles où ce qui est important est l’hiatus entre désastre et salut, entre moment de la libération et liberté neuve incarnée par un « novus ordo seclorum ».

§7: Hiatus : la fin de l’ancien n’est pas nécessairement le commencement du nouveau. Interruption dans le continu de l’enchaînement temporel. Révolution (astronomie, cyclicité) : fondation politique (redémarrage de l’histoire et du temps)
Kant : comment admettre un pouvoir capable de commencer par lui-même « absolument premier » et en même temps confirmation d’une série précédente.
Le mot « révolution » change de sens au XVIIIè s. astronomie à politique (événement sans précédent).

§8: Révolution américaine.
Virgile : « les grands siècles vont renaître » à « le nouvel ordre des siècles » (billets de 1$). Le problème du commencement : il abrite en soi un élément d’arbitraire total – l’abîme de la liberté (tout ce qui sera fait pourrait ne pas l’avoir été ; ou bien : a été fait ; ou bien : serait fait)
Une chose faite ne peut plus être effacée : « la mémoire humaine qui raconte l’histoire survivra au repentir et à la destruction ».

§9: Le problème ne s’applique qu’au domaine de l’action. L’abîme de néant qui s’ouvre devant toute action, qui échappe à la causalité, qui ne se laisse pas expliquer par les catégories du potentiel et de l’actuel (Aristote). Creatio ex nihilo « penser l’impensable ».

Lalande : Acte, scol. Actus, trad. d’Aristote ενεργεια et εωτελεχεια
Tout changement est dans un état
a)    possible – en puissance
b)   en train de s’accomplir (energeia)
c)    accompli, être réalisé (entélécheia)

« Précurseur » - que veut dire Arendt par là ?
Rupture de la chaîne causale =

Libération –-- hiatus --- Liberté
(a)                        (b)              (c)

a)    cause potentielle à
b)   energéia (cet enchaînement est rompu en ce point (b) à
c)    effet

a) est la cause sans laquelle (sine qua non)
c) ne peut advenir

et (a) n’est pas la cause à travers laquelle (per quam) (c) peut advenir

Donc, « une autre cause » advient en (b) : l’abîme de néant
Le néant comme « moteur pur »

Ενεργεια pure libérée de tout lien avec un corps au repos
Donc (a) est une cause nécessaire mais non suffisante

à une pure contingence

(a) ne tien plus à rien
(b) « l’abîme de néant » - l’origine absolue
(c)  creatio ex nihilo

Peut-on penser le début du temps ?
Q. Le Big Bang n’est-il pas devenu en même temps qu’un modèle cosmologique « standard » une métaphore du XXè siècle ? Penser l’impensable.


§10: Réponses à cette énigme

1)   Dieu Créateur
L’éternité – le degré ultime de la temporalité avec ses dérivés : l’état de nature (les Lois), le Législateur, l’Etre suprême


§11: Rome

2) Fondateur humains
Etat futur de récompenses et de punitions
Ruse de la minorité ultime
Criminalité ß hantise du social chez H.A ?


§12: Spontanéité de l’acte libre
Phénomène de la re-naissance
(Rome à ancêtres troyens, re-naissance de Troie)
Renaissance carolingienne
Renaissance des XVè et XVIè s.
Pour les Lumières du XVIIIè, le recours à Rome est nécessaire pour répondre à l’embarras de la fondation
Virgile : 4è Eglogue
Eloge de l’âge d’or, de la « re-naissance » des grands siècles


§13: 4è Eglogue, hymne à la nativité
âge d’or
Nature indestructible
Sécularisation et retour à l’Antiquité
Eternité cyclique de la nature et direction verticale de l’histoire
La conception du futur « lourd du salut final » qui ramène à l’Age d’Or initial apparaît avec le mouvement du Progrès comme explication de l’histoire. Marx : Royaume de la liberté, communisme des origines. Venue du messie, eschatologie.
Réfutation du principe d’entropie par le retour au temps cyclique.
Echec des conceptions de la liberté pour explique « l’abîme de la pure spontanéité » des fondations si elles consistent à retrouver l’ancien dans le nouveau.
La liberté a survécu en théorie politique sous forme de promesses utopiques.


§14: Frustration
Unique alternative dans l’histoire de la pensée politique, Saint-Augustin. Cité de Dieu.
Homo temporalis, l’homme et le temps créés ensemble
Commencement de la naissance
L’homme est condamné à la liberté du fait de la naissance
Impasse à appel à une autre faculté mentale : le Jugement
« Ce qui est en jeu dans nos plaisirs et nos déplaisirs »




19 mai


Arendt et la fondation de la liberté. La question de la nature humaine. Une anthropologie arendtienne.

Présentation de la lecture, introduction au texte
1.     Rappel historique – 1974-75, séminaires (Gifford Lectures), cours (depuis le milieu des années ’60). Livre inachevé et non publié par Arendt
2.     Architecture : trois parties, en apparence, structure très classique sur les facultés de l’esprit humain, psychologie : « la vie de l’esprit »
3.     … mais problématique posée très personnelle (Introduction à la VE) : l’énigme de l’absence de pensée (banalité du mal), les « doutes », le « malaise » sur l’origine de la théorie de l’action, de la Vita Activa (concept forgé par ceux qui sont plongés dans la vie contemplative)… en d’autres termes, croiser la question de l’origine du mal avec celle d’une fondation de la vie politique (le sens le plus élevé de la vie active)
4.     … traitée par Arendt sous formes d’antinomies et de paradoxes

Cicéron (citant Caton l’Ancien) : « jamais l’homme n’est plus actif que lorsqu’il ne fait rien, jamais moins seul que dans la solitude » (à la fin de CHM)
à que « fait-on » quand on pense ? Rien
à où est-on quand on est seul avec soi-même ? Nulle part

5.     … d’où la proposition d’étudier la Pensée (plutôt que le savoir ou la cognition) (cfr. Kant : distinction entre Vernunft (raison) et Verstand (intellect))
6.     La Pensée est donc destinée à éclairer (par antinomie) la question de l’agir et la Volonté est destinée à expliquer le paradoxe de la Liberté (commencement absolu) … d’où procède la liberté ? D’un abîme de néant. En quoi consiste la liberté ? En un hiatus entre deux actes (il s’agit de ma lecture).
7.     A la fin du Vouloir, Arendt débouche sur une impasse dont elle tentera le possible dépassement en ayant recours à la troisième faculté : le jugement (i.e. la sensibilité esthétique – éthique, à travers le « sens commun »)
8.     Plan de lecture. Commençons par lire les pages 530-531, par prendre connaissance de l’expression énigmatique qui sert de point de départ à la présentation de ce texte du séminaire consacré à la « question du Rien en phénoménologie » - texte où le mot « néant » n’apparaît qu’une seule fois (en anglais : the abyss of nothingness), je propose que nous ne le commentions pas tout de suite.

§16: L’abîme de la liberté et le novus ordo saeclorum – mini guide de lecture
1.     Le problème de la Volonté, p. 516-523
2.     Liberté politique, p. 520-523
3.     La genèse, l’origine des fondations politiques, p. 524-527
4.     Libération vs fondations de la liberté
5.     Hiatus, commencement, révolution
6.     L’abîme du néant, p. 530-531
7.     Renaissance (promesse), p. 534-537
8.     Conclusions, p. 540-543


3. Commentaires


  Il m’est impossible de rendre compte de la richesse des interventions des participants au séminaire ; tout ce que je puis dire ici c’est qu’il me semble à ce jour (30 juin), qu’il y trois axes de recherche sur lesquels je devrais rebondir pour aller plus loin dans l’analyse et le commentaire personnel du texte d’Arendt :

1) Dun Scot et le principe d’individuation
2) L’enroulement en spirale (je veux que je veux) – cfr., le plissement, la vibration, le « rien » de Richir ou Maldiney (?) ainsi que les « capacités de cognition totalement intentionnelles ». Il n’est pas du tout évident de comprendre ce qu’Arendt entend par cette image d’enroulement en spirale du Moi voulant. Nous avons été plusieurs à sentir qu’il y avait-là quelques difficultés conceptuelles auxquelles Arendt est elle-même confrontée, notamment dans son appréciation de l’intentionnalité
3) Aristote et la théorie du mouvement. Il s’agit à mon avis du « cœur du cœur » de l’analyse de la « question du Rien » chez Arendt – (Arendt et Aristote, c’est évident pour les « arendtiens », il faudra repartir de là).

 
John Trumbull, The Declaration of Independence (1819)


Notes consacrées à Hannah Arendt sur le blog


  J’achève cette note en indexant ci-dessous les différents articles publiés jusqu’à présent sur le blog dans le cadre de mes réflexions sur l’œuvre d’Arendt, rassemblés depuis le premier (23 avril 2015) jusqu’au dernier en date publié ce jour : « un peu de tout ».

Date de l’article
Titre de l’article (liens)
Description
30/06/16
La fondation de la liberté chez Arendt I. Une lecture de The abyss of nothingness
Séminaire donné à l’ULB
17/04/16
Bibliographie
15/04/16
Pour préparer « Arendt lisant Marx »
15/04/16
A propos du concept de psychopolitique et de son usage possible
15/04/16
Revue quantitative de la littérature arendtienne
24/01/16
Aux origines de mon projet, une correspondance avec le Bard College (note en anglais)
17/12/15
Suite de la note du 23 avril 2015
15/11/15
Publié également sur le blog du Bard College – note en anglais
21/09/15
Résumé de mes notes du séminaire du Bard College (groupe de lecture en vidéo-conférence par Internet) – note en anglais
29/08/15
Introduction à la lecture de la Condition Humaine
26/06/15
Communication au séminaire de Richard Miller sur l’antisémitisme
25/06/15
Retour sur la controverse d’Eichmann à Jérusalem
21/06/15
Lecture au Cercle des Voyageurs de Bruxelles
23/04/15
Les Origines du Totalitarisme







[1] Mary McCarthy, « Préface de l’éditeur », in Hannah Arendt, La vie de l’esprit, Paris, Presses Universitaires de France coll. Quadrige, 1981, 2014, p. 9
[2] Hannah Arendt, « Pensée et considérations morales », in Responsabilité et jugement, Paris, Editions Payot & Rivages, 2005 ; rééd. Petite Bibliothèque Payot n°698, 2009, p. 213-246
[3] Mary McCarthy, « Pour dire au revoir à Hannah (1907-1975) », in Hannah Arendt, Considérations morales, Paris, Editions Payot er Rivages coll. Petite Bibliothèque n°181, 2014, p. 7-23
[4] Mary McCarthy, op. cit., p. 8
[5] Mary McCarthy, op. cit., p. 10-11
[6] Hannah Arendt / Karl Jaspers, Correspondance 1926-1969, Paris, Editions Payot & Rivages, 1995, p. 814-815
[7] Ronald Beiner, « Préface », in Hannah Arendt, Juger. Sur la philosophie politique de Kant, Paris, Seuil, 1991, p. 8
[8] Mary McCarthy, « Préface de l’éditeur », op. cit., p. 10-11
[9] Marx / Engels, L’idéologie allemande, Paris, Editions Sociales coll. Essentiel n°1, 1982, 1989, p. 54
[10] Tama Weisman, Hannah Arendt and Karl Marx. On Totalitarianism and the Tradition of Western Political Thought, Lexington Books, 2014, p. ix
[11] Kant, Critique de la raison pure, (B 735), éd. Ferdinand Alquié, trad. de l’allemand par Alexandre J.-L. Delamarre et François Marty à partir de la traduction de Jules Barni, Paris, Editions Gallimard, 1980, coll. Folio Essais n°145 pour la présente édition, 1992, p. 600
[12] Kant, op. cit. (B 860), p. 690
[13] Kant, op. cit. (B 871), p. 698