L’essentiel
de cette note sera formé par un petit journal tenu lors d’un dernier séjour à
Paris. Et la philosophie ? Il n’y en a pas.
*
Le dernier billet publié sur ce
blog date du 1er janvier de cette année. C’est le plus long
intervalle de temps que je constate entre deux publications au cours des six
années d’existence du projet d’écriture des « Métamorphoses de C. »
Des obligations professionnelles
qui me prennent beaucoup de temps en sont en partie la cause, à quoi s’ajoute
en sourdine les questions que je soulevais lors du billet récapitulatif du 31
décembre dernier (sous le titre … suite
et peut-être fin, 1ère partie), la question du sens. Je n’ai toujours pas de réponse à
cette question. « L’esprit de l’époque » si je puis me permettre
cette expression désuète, pousse un nombre croissant d’individus à écrire, il
me semble en effet que nous n’avons jamais autant publié de nouveautés, ce sont
des observations que les libraires et les éditeurs font remonter à chaque
rentrée littéraire par exemple, et à côté ou en-deçà, dans une espèce d’inframonde
éditorial, d’une zone parfois franchement glauque et en règle générale très
médiocre qui est celle de l’autoédition sous plusieurs formes, de la plaquette soignée
à compte d’auteur d’un écrivain reconnu à l’impression à la demande d’un livre
bon à jeter imprimé en Bulgarie via le Net sans travail éditorial de tiers, en
passant par les fausses maisons d’éditions où l’auteur paye de sa poche le « privilège »
d’avoir un livre imprimé à son nom, la masse des écrits d’une saison, d’une
semaine ou d’un jour ne cesse d’augmenter comme si l’univers de l’écrit était
soumis à la pression d’une force sombre, d’une énergie noire, qui accélère le
rythme de son inflation, jusqu’à ce que la Création entière se dissolve dans un
vide absolu. Et ceci ne concerne que le « papier » sans compter la
masse encore plus colossale de l’écrit électronique, dont les fameux « blogs »
du Net constituent un exemple. Donc, à quoi bon, au nom de quelle vanité ?
J’admets, je reconnais, que je participe à ce bruit, à cette inflation des
signes. Soit. Cette vanité de l’époque serait excusable si elle s’accompagnait
d’une augmentation correspondante de la lecture. Mais, encore une fois, il faut
le constater avec dépit, au nombre de livres qui s’accroit correspond une
relation inverse du nombre de lecteurs. Nous lisons de moins en moins
(globalement) et de moins en moins aussi avec le papier comme support, et de
moins en moins les œuvres qui ont passé l’épreuve du temps : les
classiques. A chacun sa définition des classiques, je connais un excellent libraire
pour lequel le monde personnel de l’écrit, les livres qui comptent, qui
marquent une vie, une pensée, une sensibilité, commence aux années trente du
vingtième siècle. Pour moi, c’est l’époque où mon univers littéraire s’achève.
Mais dans les deux cas il s’agit d’auteurs morts. Il y a toujours beaucoup de
lecteurs aujourd’hui mais que lisent-ils ? Principalement des auteurs
vivants, ceux dont on parle à la télévision, dans les journaux ou ailleurs dans
les cercles d’autocongratulation des réseaux sociaux. Un « classique »
naît avec l’entretien qu’on a avec un auteur par-delà sa mort. Les auteurs
décédés ne participent plus par définition au bruissement vain du monde, s’ils
ont quelque chose à dire qui nous parle, c’est que cette parole a supporté l’épreuve
du silence et de leur propre disparition. Je crois que c’est une bonne garantie
de validité de l’écrit. Tout ce qui est strictement contemporain est
disqualifié, en semi vie, en attente d’une vie future hypothétique, disons le
mot, d’une résurrection où des lecteurs parfois fort lointains donneront du
sens à ce qui fut écrit, produit, reçu, dans des circonstances révolues,
certainement fort dissemblables de leur horizon. C’est à travers le temps et
les communautés de lecteurs qui se répondent, se critiquent, changent de
perspective, d’époque en époque, que s’établit durablement la vie des livres.
En deçà de cette limite règnent sans partage l’incertitude et la vanité.
Une conséquence dramatique de l’inflation
des livres contemporains (en corrélation inverse avec leur réception à
long-terme et le nombre de leurs lecteurs) réside dans le sacrifice des livres
anciens ou rarement consultés des bibliothèques publiques afin de faire de la
place pour les nouveautés (le dernier best-seller) ou pour les « nouveaux
médias ». Un témoignage m’en a été récemment rapporté via cet excellent
libraire que j’invoquais plus haut concernant la Bibliothèque des
Riches-Claires de la Ville de Bruxelles, obligée de mettre au rebut 15% de ses
volumes chaque année. Autre anecdote qui dit aussi le désastre culturel dans
lequel nous plonge « l’esprit de l’époque » : le nombre d’Alliances
Françaises a été réduit de moitié dans le monde ces dernières années pour
causes de restrictions budgétaires successives. Quel rapport me direz-vous ?
Je connais quelqu’un qui, émigré de longue date dans un pays lointain, décida
un jour de faire don de sa bibliothèque richement dotée à l’association locale
de l’Alliance Française de la ville où il avait élu domicile. Beau geste qui
aurait aussi assuré une forme de pérennité relative à ses livres, et j’espère
que cette Alliance-là n’a pas été fermée. Car qu’arrive-t-il de plus en plus
souvent aux livres des belles bibliothèques de particuliers ? Leurs
descendants n’en veulent pas, n’ont pas la place chez eux, s’en fichent. Bref,
lorsque l’antiquaire vient pour expertiser les meubles et tableaux des demeures
bourgeoises qu’ils doivent vider, ou des greniers de leurs parents plus
modestes, ce dernier, s’il est pressé, cherche son rendement et s’en remet à « l’esprit
de l’époque » pour le reste, dit cruellement : « à la
déchetterie ». Encore une fois, il s’agit d’un témoignage concernant une
bibliothèque à Fontainebleau où l’ancien propriétaire avait rassemblé l’œuvre d’une
vie passionnée par le cinéma et par la littérature sur le Septième Art,
quelques milliers de livres pointus, des collections rares etc.., tout cela a
terminé sa vie dans une déchetterie. C’est un exemple parmi d’autres…
Amis lecteurs, passionnés de
livres, amoureux des livres anciens : tout ce que vous faites est vain,
plus personne n’en voudra.
Notre époque brûle donc dans l’indifférence
générale des livres qui comptent, ceux que la passion et la patience de leurs
lecteurs ou des bibliothécaires, avaient savamment constitué en unités de sens,
en ensembles témoins d’un goût, d’une personnalité, en communauté avec des
auteurs d’époques révolues et qui ne survivent que grâce à eux. A ces crimes
innombrables de la mémoire s’ajoutent donc des autodafés pires que ceux
pratiqués par les intolérants qui détruisaient les livres qu’ils abhorraient,
car ceux-là au moins avaient des raisons,
mais aujourd’hui les destructeurs de livres n’ont pas d’argument idéologique, c’est
en quelque sorte l’illustration tragique de la
loi du marché de nos chers libéraux appliquée à la Culture.
La Culture n’est pas, ne peut pas être
un domaine régulé par le marché, par « l’offre » et « la demande ».
La Culture est, devrait être, un de ces grands domaines sur lesquels l’État, la
puissance publique, exerce sa souveraineté au nom de la défense patrimoniale,
autre nom du respect de la tradition, au risque assumé de garantir conservation
et promotion des « Lettres mortes » pour nul vivant mais pour la
seule nécessité de la transmission, car
il suffit d’un seul lecteur demain, après-demain, pour réveiller des milliers
de pages endormies et qui sait ce qui peut surgir de ces rencontres ? Un
monde. Une nouvelle idée du bonheur. Une révolution.
*
Dans le billet du 1er janvier j’annonçais
la publication prochaine d’un petit « journal de voyage à Paris ».
Dont acte.
*
Journal parisien – décembre 2017 (où il est aussi
beaucoup question de Bruxelles, du moins au début)
Pour trouver la trace des précédents carnets parisiens
publiés sur le blog des MdC, tapez le nom de la balise Journal_Paris dans la barre de recherche. Suivre les douze entrées proposées
à ce jour, sans compter cette dernière ; tous ces billets furent publiés entre
le 8 Jan. 2012 et le 24 Août 2014, décrivant cinq « voyages » (*)
:
·
28-30 Déc. 2011 (billets « Paris I » à
« Paris IV – Le Petit Palais »)
·
26-28 Déc. 2012 (billets « Paris V – Entre
Canaletto et la pègre » à « Paris VII - Bohèmes »)
·
3 Fév. 2013 (billet « Paris VIII – Edward Hopper,
last day »)
·
9-11 Oct. 2013 (billets « Dans le 11ème
arrondissement I » à « Dans le 11ème arrondissement
III »)
·
23 Août 2014 (billet « Trois lieux, deux
instantanés, un développement (micro-journal parisien) »)
Cette dernière
promenade est donc en date du :
·
26-29 Déc. 2017 (billet « Métamorphoses de C. (suite
et peut-être fin, 2ème partie), avec un Carnet de voyage parisien
(décembre 2017) et l’Agenda de la Pléiade 2018 »)
(*) on a les voyages qu’on peut se permettre : autour de sa chambre,
dans sa « librairie », à Bruxelles, à Paris… parfois plus loin, voire beaucoup plus loin. L’important à chaque fois, c’est de
revenir. Il n’y a de voyage qui tienne que parce qu’il y a possible retour.
*
Un voyage se
prépare. Les guides de la promenade :
· Paris, Hachette collection « Guides Bleus »,
1999 – toujours d’excellente facture.
·
Musées de Paris, Hachette collection « Guides Bleus »,
1999 – vieilli mais surtout utile pour
tous les petits musées que l’on a tendance à
oublier.
·
Paris tel qu’on l’aime, (Doré Ogrizek, éd.), Odé « Le monde
en couleurs », 1949 ; avec des textes
d’écrivains pour les quartiers de Paris (mon exemplaire porte l’autographe
« Paris, 17 juin 1956, Minette » et un carton d’affaire collé sur la
face intérieure de la couverture, portant mention : « Avec les
meilleurs vœux de la Caisse Générale d’Epargne et de Retraite »). J’en
conclus que dans les années 1950, les banques faisaient cadeau à leurs clients
– choisis avec soin, de « beaux livres » les invitant au voyage ou à
la littérature. La vénérable CGER est une banque belge célèbre qui fusionna
avec La Générale de Banque et qui fut à l’origine du groupe belgo-hollandais
Fortis. J’y travaillé juste après la fusion avec la Générale au tout début des
années 2000. Le siège social de « l’abeille » (puisque tel était son
surnom) situé Rue du Marais a disparu du paysage bruxellois. Aujourd’hui, les
banques « remercient » leurs clients avec des stylos en plastique,
des clés usb ou des souris (oranges)… et encore ! Gadgets massivement
importés de Chine pour quelques euro-cents l’unité). Voire des tablettes…
tellement plus cool de la part des managers digital
natives. C’est formidâble, quel progrès ! Et la littérature dans
tout ça ? Bah ! on s’en fout !
· Alfred Fierro, Histoire et dictionnaire de Paris, Robert Laffont collection
« Bouquins », 1996, une somme indispensable
pour mieux connaître Paris, plus 1500 pages ! J’y ai pioché des
informations sur la démographie et la géographie de Paris, l’histoire de ses
libraires ou de son métro.
· Jean-Paul Clébert, Paris insolite, éd. Denoël, 1952, rééd. Livre de Poche n°2226,
1967. Ce livre porte l’épithète de
roman, ce qu’il n’est pas, mais un récit en première personne de promenades aux
marges, dans les bas-fonds, les sans-grades, les clochards, dans la ville qu’on
ne voit pas ou alors à travers les photographies de Robert Doisneau et de Robert
Gireau, à qui l’ouvrage est dédié.
· Léon-Paul Fargues, Le piéton de Paris, Gallimard, 1939. Savoureux,
ironique, les promenades de l’auteur de Tancrède, des Espaces et des Méandres ou des Dîners de Lune sont dans toutes les mémoires. Ses pages sur
St-Germain-des-Prés, sa faune et les conversations du Café de Flore, Des Deux Magots ou de la Brasserie Lipp méritent
le détour de quelques minutes volées à vos mails dans le Thalys ! Paris
est la capitale de la Littérature, alors lisez, bon sang ! La promenade de
l’auteur dans le Marais et le quartier juif donne rétrospectivement froid dans
le dos.
*
Dans le Thalys je m’amuse à comparer quelques
chiffres et à calculer des densités de population avec l’aide du livre de
Fierro et de Google :
Superficie de Paris
(*) en 1926 : 8 612 ha. / 861 km2
Population de Paris en
1921 (pic maximal) : 2 906 472 hab.
Densité : 33 700
hab. / km2
Superficie de
Paris en 1984 (limites actuelles) : 10 540 ha. / 105,4 km2
Population de
Paris en 1990 : 2 154 678 hab.
Densité : 20
442 hab. / km2
Population de Paris en
2017 : 2 241 346 hab.
Densité : 21
265 hab. / km2
Superficie de la Région
de Bruxelles – Capitale (**) en
2017 : 161,4 km2
Population de la
Région de Bruxelles – Capitale en 2017 : 1 200 836 hab.
Densité de la
Région de Bruxelles – Capitale en 2017 : 7 440 hab. / km2
Densité de la
Ville de Bruxelles (***) en 2017 : 5 415 hab. / km2
Densité de la Commune
de Laeken (****) en 2015 : 6 500 hab. / km2
(ajustée,
sauf Domaine Royal : 8 271 hab. / km2)
(* Paris intra-muros
** La Région est une des trois
entités fédérées du royaume de Belgique ; elle correspond aux limites des
19 communes de l’agglomération de Bruxelles, encastrée en Flandres – voir photo
plus bas pour la représentation que se font certains parisiens de ce qu’est
« Bruxelles »
*** La Ville de Bruxelles comprend outre le cœur de l’agglomération sis
dans le Pentagone, les territoires des anciennes communes autonomes de Laeken,
Haren et Neder-over-Hembeek, ainsi que le tronçon de l’avenue Louise jusqu’au
Bois de la Cambre inclus ainsi que le Quartier Léopold, siège des institutions
européennes – cela donne une forme très bizarre
qui me fait penser à un cerveau difforme, monstrueux, avec un lobe
fronto-temporal (Laeken), un lobe pariéto-occipital (Neder-over-Hembeek,
Haren), un tronc cérébral (le Pentagone), un gros bulbe rachidien (le quartier
européen), et une moelle épinière (le goulet Louise et le Bois de la Cambre).
Voyez les zones en gris et bleu clair sur la carte ci-dessous.
**** Laeken est constituée d’une partie très fortement urbanisée le long du
canal et autour de la Place Bockstael et d’une autre partie, considérable (186
hectares), quasi-déserte (sauf pour un habitat faunique préservé) et pour
l’essentiel privée : le Domaine Royal (dont le Château). Le
contraste est saisissant. La surface totale de Laeken est de 925 hectares, si
on y retranche la part du Domaine Royal, il reste 739 ha de logements et une
densité ajustée de 8 271 hab./km2 pour ses 60 295 habitants, une
densité qui est supérieure à la moyenne de la Région. Pourquoi cet intérêt
soudain pour Laeken ? Cherchez l’auteur des MdC et vous trouverez).
Conclusion :
il y a aujourd’hui une densité supérieure de près du triple du nombre
d’habitants à Paris qu’à Bruxelles au km2 (précisément : 2,86
fois plus grande).
Quelles sont les
perspectives démographiques pour Bruxelles ?
On estime à 1,4
millions le nombre d’habitants à Bruxelles en 2040 et à 1,5 millions en 2060,
ce qui aurait pour effet de faire monter la pression de population à la densité
de 9 293 hab. / km2 – on sera encore loin du compte de la situation
à Paris. Je n’ai pas trouvé de projection à 2040 ou 2060 spécifique pour la
ville de Paris, il y a bien entendu les études de l’INSEE qui concernent les
régions, l’Ile-de-France notamment qui devrait passer à 13,2 millions
d’habitants d’ici la moitié du siècle.
Je suppose que la
courbe démographique devrait rester assez stable dans Paris
« intra-muros », voire même décroître, compte tenu du prix exorbitant
de l’immobilier (nous y avons vu pendant ces quelques jours des prix à la vente
ou à la location qui nous ont fait dresser les cheveux sur la tête. Un
exemple : dans le sixième arrondissement, un « appartement » de
10 m2 - vous avez bien lu – à vendre au prix de 115 000 €. C’était
le moins cher. Dans le même quartier,
un appartement de luxe de 200 m2 à plus de 6 millions d’€ - entièrement
rénové, il est vrai, avec une vue magnifique).
En fait, la situation de Paris « intra-muros » est considérée comme
atypique, par rapport à d’autres capitales européennes.
Peut-on faire un
parallèle entre les explosions sociales de l’histoire de Paris au XIXème siècle
et la pression, beaucoup plus forte qu’aujourd’hui, de sa population dans un
périmètre urbain en plein bouleversement avec l’industrie, la destruction des
vieux quartiers (les travaux d’Haussmann) et la paupérisation ?
Certainement, on en trouve des reflets dans la littérature naturaliste d’un Zola
au XIXème, ainsi que dans les œuvres d’auteurs de romans
« populaires » du début du vingtième siècle, Eugène Dabit par
exemple, voire L.F. Céline (écrivain « du peuple » par excellence, ce
qui ne manquera pas de faire grincer des dents quelques grincheux), Céline donc
auquel je pense pour sa description hallucinée des passages couverts, de
l’entassement des gens et de l’asphyxie aux becs de gaz (dans Mort à Crédit). En fait, voilà :
Paris c’est L.F. Céline, et réciproquement, du moins, jusqu’à une certaine
époque, d’avant l’embourgeoisement (dans mon imaginaire, je ne veux pas dire mon musée personnel car la matière
y est vivante, elle remue, c’est
aussi le cinéma des grandes gueules et de l’accent parigot – chaque fois que je
retourne à Paris, je me demande : est-ce que je vais trouver, sentir, un
peu de cet accent-là ?). Les « choses » ne disparaissent jamais
qu’avec leur ultime témoin. Longtemps, je me suis couché de bonne heure et suis
arrivé à la conclusion qu’on ne voyage vraiment que dans sa tête, que tout le
reste, le monde entier, est pré-texte - cela sent un peu son évêque George
Berkeley ? mais oui. Esse est percipi aut percipere.
Arrivée à
l’appartement, rue du Cherche-Midi. Bel espace dans une ancienne « maison
de mousquetaires ». Les n°2 à 12 constituaient l’ancien couvent des
Prémontrés (dont l’église fut le siège de la section de la Croix-Rouge puis du
Bonnet Rouge, puis du Bonnet de la Liberté pendant la Révolution française).
Bonnet Rouge. Apparu au début de l’été 1791, le bonnet
rouge fut le signe de ralliement du parti populaire et symbolisa la liberté
retrouvée, par allusion au bonnet phrygien des esclaves de l’Antiquité. Brissot
se fit le propagandiste de ce couvre-chef dans Le Patriote français. Les riches patriotes le firent peindre comme
armoiries sur leurs voitures. Le 20 juin 1792, Louis XVI fut contraint de s’en
coiffer. On en présenta un à Marie-Antoinette qui le plaça sur la tête du
dauphin. Les révolutionnaires le portaient couramment en 1793. Marat
s’affichait à la Convention en carmagnole, bonnet rouge et sabots. La
Convention décréta le 18 septembre 1793 que « les galériens ne seraient
plus coiffés à l’avenir du bonnet rouge qui devenait l’emblème du civisme et de
la liberté ». En 1794, la Commune de Paris décida que les enterrements
seraient conduits par un commissaire civil portant un bonnet rouge orné de la
cocarde tricolore. Lors de l’abjuration de l’évêque Gobel et de ses
coadjurateurs, ils se présentèrent à la Convention en bonnet rouge. Après le 9
thermidor, la mode passa et les derniers bonnets rouges disparurent à la suite
du Consulat.
J. Tulard, J.-F.
Fayard, A. Fierro, Histoire et
Dictionnaire de la Révolution française 1789-1799, Robert Laffont coll.
Bouquins, 1998.
Rue du Cherche-Midi
Ainsi nommée en
référence à ceux qui cherchaient « midi à quatorze heures ».
L’église Saint-Sulpice
Le problème des deux tours dissemblables. La tour sud est restée inachevée.
L’architecte Maclaurin succède à Servandoni après 1765, qui est déchargé du
projet d’élévation du grand portail, la façade de St-Sulpice, mais la fabrique
d’église est insatisfaite du résultat. Enfin, J.F. Chalgrin modifie la tour
nord pour l’accorder stylistiquement avec les deux ordres inférieurs de la
façade.
Grâce à un ami québécois,
l’excellent éditeur Rémi Ferland des Editions 8, j’avais
appris que les trois fresques de Delacroix dans l'église Saint-Sulpice à Paris avaient
été récemment restaurées et pouvaient être admirées dans tout l’éclat de leurs
couleurs.
Il était prévu que je les redécouvre
de mes propres yeux avant la fin de l’année. C’est donc fait.
Voici d’abord le compte-rendu de
Rémi avec la description d’un des trois tableaux, sous la plume de Baudelaire,
suivie de l’histoire du personnage principal racontée dans le Livre des Maccabées.
Héliodore chassé du Temple.
« Dans un temple magnifique, d’architecture polychrome, sur les premières
marches de l’escalier conduisant à la trésorerie, Héliodore est renversé sous
un cheval qui le maintient de son sabot divin pour le livrer plus commodément
aux verges des deux Anges ; ceux-ci le fouettent avec vigueur, mais aussi avec
l’opiniâtre tranquillité qui convient à des êtres investis d’une puissance
céleste. Le cavalier, qui est vraiment d’une beauté angélique, garde dans son
attitude toute la solennité et tout le calme des Cieux. Du haut de la rampe, à
un étage supérieur, plusieurs personnages contemplent avec horreur et
ravissement le travail des divins bourreaux. »
Baudelaire, L'art
romantique
L’histoire d’Héliodore est contée
dans l’Ancien Testament :
« Pendant que les Juifs suppliaient le Seigneur Tout-Puissant de garder
intacts, en toute sûreté, les dépôts à ceux qui les avaient confiés, Héliodore
exécutait son dessein. Déjà il était là avec ses satellites près du trésor,
lorsque le Seigneur des esprits, le Dominateur de toute puissance, fit une
grande manifestation, de sorte que tous ceux qui avaient osé venir là, atteints
par la force de Dieu, furent frappés d'impuissance et d'épouvante. A leurs yeux
apparut un cheval monté par un cavalier terrible, et richement caparaçonné ;
s'élançant avec impétuosité, il agita sur Héliodore ses pieds de devant ; le
cavalier paraissait avoir une armure d'or. En même temps, lui apparurent deux
autres jeunes hommes, pleins de force, brillants d'un vif éclat et vêtus
d'habits magnifiques ; s'étant placés l'un d'un côté, l'autre de l'autre, ils
le flagellaient sans relâche, lui portant une multitude de coups. Héliodore
tomba subitement par terre, environné de profondes ténèbres ; on le ramassa,
pour le mettre dans une litière ; et cet homme qui venait d'entrer dans la
chambre du susdit trésor avec une suite nombreuse de coureurs et de satellites
armés, on l'emporta incapable de s'aider lui-même et ayant visiblement éprouvé
la puissance de Dieu »
Deuxième livre des Maccabées, III, 22-28.
Le combat de Jacob avec l’Ange
Description
Eugène Delacroix
à propos des peintures de la chapelle des Saints-Anges à Saint-Sulpice :
« Mais d’où vient
que ce combat éternel, au lieu de m’abattre, me relève ; au lieu de me
décourager, me console et remplit mes moments, quand je l’ai quitté ? »
(Journal, 1er janvier 1861)
Genèse 32:22-32
*
Et en vrac, des lieux.
La librairie d’Argences
(84, rue
Bonaparte, 6è arr.)
Une autre suggestion de l’excellent Rémi,
rendre visite à la librairie d'Argences voisine, rue Bonaparte, chez « le
dernier des grands libraires », M. Yves Vachon !
La librairie Vrin
(6, place de la
Sorbonne, 5è arr.)
Haut lieu de la vie intellectuelle
parisienne, cette librairie fondée en 1911 par Joseph Vrin est aussi une maison
d’édition réputée, une référence française et internationale incontournable
dans l’étude des textes de la philosophie ancienne et moderne. Le
« tournant philosophique » de la librairie a lieu au début des années
1920 suite à la rencontre du libraire avec Etienne Gilson (1884-1978), immense figure de la philosophie
médiévale. La librairie est restée une entreprise familiale, qui en est à sa
troisième génération. Longue vie à la famille Vrin !
Saint-Germain
Thermes de Cluny (Musée national du Moyen-Âge)
(6, place
Paul-Painlevé, 5è arr.)
Galeries Lafayette
(40, boulevard
Haussmann, 9è arr.)
Les décorations de Noël : les vitrines,
le sapin
Église Saint-Eustache