Poussières II
Vous trouverez ci-dessous le format habituel
des publications récentes du blog : le journal sans dates, ainsi que le
mélange des langues et des tropes.
From Amsterdam to
Athens
“Dark
matter” is what we call gravity and it has a mass.
Entanglement in light, Amsterdam – the
author
Leibniz’ Essais
de Théodicée (published in 1710) is a rational although highly speculative
fascinating work of theological philosophy;
The Book of Mormon on the other hand,
is pure fantasy with lots of smash-buckling and wizardry (let’s call it even
“heroic-fantasy” taken however, and that’s the sad thing about those
scriptures, at first degree, literal interpretation, by morons of all kind). You
can read it, as well many “historical books” of the Old Testament, as the product of highly imaginative minds and (when
you think seriously about it), it appears to be an incredible work of creative
theological mythology – as opposed to
the natural theology of rational
minds like Leibniz. This is especially the case with the Book of Mormon, thanks to its “Prophet” Joseph Smith who wrote during the 1820s in rural America this fiction of Jesus coming to the New World after
His Resurrection. I prefer reading the New Testament to the Book of Mormon when dealing with Christ,
the former being the pure brand and the later some kind of corrupted version
mixed with sub-cultural influences (read : from the cultural history of
America’s beginnings).
I’m quoting the last sentence of the Introduction to the Book of Mormon:
I’m quoting the last sentence of the Introduction to the Book of Mormon:
“The
Church of Jesus Christ of Latter-day Saints is the Lord’s kingdom once again
established on the earth, preparatory to the Second Coming of the Messiah.”
Joseph Smith, The Book of Mormon
« ... et depuis je crois voir une
nouvelle face de l’intérieur des choses. »
Leibniz, Nouveaux Essais sur l’entendement humain
« Jusqu’ici nous n’avons parlé qu’en
simples physiciens : maintenant il faut s’élever à la métaphysique, en nous
servant du grand principe, peu employé communément, qui porte que rien ne se
fait sans raison suffisante ; c’est-à-dire que rien n’arrive sans qu’il soit
possible à celui qui connaîtrait assez les choses de rendre une raison qui
suffise pour déterminer pourquoi il en est ainsi, et non pas autrement. Ce
principe posé, la première question qu’on a droit de faire sera : Pourquoi il y
a plutôt quelque chose que rien ? Car le rien est plus simple et plus facile
que quelque chose. De plus, supposé que des choses doivent exister, il faut
qu’on puisse rendre raison pourquoi elles doivent exister ainsi, et non
autrement. »
Leibniz, «
Principes de la Nature et de la Grâce fondés en raison », texte de 1714 publié
après la mort de l’auteur (nov. 1716) in L’Europe
Savante, 1718, novembre, texte établi par Paul Janet in Œuvres Philosophiques tome I, Félix
Alcan, Paris, 1900, pp. 723-731). Disponible en poche dans l’édition de
Christine Frémont, Principes de la Nature
et de la Grâce. Monadologie et autres textes,1703-1716, Garnier-Flammarion,
1999.
Entré en
service le 20 mai 1990, le télescope spatial Hubble est dans sa vingt-huitième
année d'inlassable récolte de gerbes de lumières et sera toujours opérationnel
au minimum jusqu'en juin 2021, après quoi, sa rentrée graduelle dans
l'atmosphère se fera entre 2028 et 2040. Ce géant continuera à moissonner le
ciel et à nous envoyer des photos qui nous informent et nous émeuvent. Face à
ces images nous rejouons l'étonnement primordial du singe humain dans la savane
qui lève la tête la nuit, mais un étonnement démultiplié en profondeur,
intensité, qualité, en multiplex sur toutes les longueurs d'onde du spectre. Le
télescope spatial Hubble qui a redonné vie à l'astronomie et à une NASA que le
décrochage de la Lune avait laissé quelque peu groggy, est devenu source
d'esthétique et de science pour nous, les voyants, parce que dans le fond, la
beauté et la connaissance, c'est la même chose, le même affect qui fait vibrer
les monades que nous sommes à la recherche de la monade primordiale. J'espère
que nous ne nous en lasserons jamais. Voici une galerie de 75 photos collationnée par une autre de ces machines
qui moissonnent la Toile. Mais attention, la toile peut-être un piège et les
images deviennent vite idoles fascinantes et déréalisantes si nous n'y prenons
garde car que sont-elles sinon une construction à partir de milliards de
données élémentaires assemblées, filtrées, recomposées dans le spectre du
visible par des algorithmes et du calcul? Derrière chacune de ces photos il y a
beaucoup de travail ardu et de science, de précision et d'ingéniosité. Ces
images ne sont pas une fin en soi mais le début d'une exploration.
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Connaissez-vous la méréologie? « La méréologie (du grec ancien μέρος, « partie ») est une collection de systèmes
formels axiomatiques qui traitent des relations entre la partie et le tout. La
méréologie est à la fois une application de la logique des prédicats et une
branche de l’ontologie, en particulier de l’ontologie formelle. » (Wikipédia). Le
corps humain est aussi une collection de parties et de tout, la preuve étant
qu’on peut en retirer des morceaux sans modifier le tout. Du moins, cela reste
à prouver ...
Maquette du Mirage 2000-5 Mk2 des Πολεμική Αεροπορία sur le bureau du chirurgien-chef. Avec l’aide de la médecine des forces
aériennes helléniques.... les « parties du tout » récalcitrantes n’ont qu’à
bien se tenir.
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« La
relation de partie est définie à l’aide de celle de partie propre. C’est la
première définition du système S.
x est une
partie de y est exprimée par x < y
Sa
définition est la suivante :
SD1 (∀xy) [(x < y) ≡ ((x << y) ∨ (x = y))]
x est une
partie de y si et seulement si x est une partie propre de y ou x est identique
à y.
La relation
de partie est une relation d’ordre c’est-à-dire qu’elle est réflexive,
transitive et antisymétrique.
La
réflexivité de la partie : (∀x) [(x < x)]
Tout objet
est une partie de lui-même. »
Bucchioni, G. (2016), « Méréologie », version
académique, dans M. Kristanek (dir.), l’Encyclopédie philosophique, URL: http://encyclo-philo.fr/mereologie/
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« Ωφελέειν και μη βλάπτειν »
Hippocrate de Cos (vers 460 - 377 av. JC).
« L’objet de la Médecine est défini dans le
traité De l'art, il s'agit « d'écarter les souffrances des malades et de
diminuer la violence des maladies » ; dans Épidémies
I, on trouve la maxime « Avoir dans les maladies deux choses en vue : être
utile ou du moins ne pas nuire » (citation en grec ci-dessus), source probable
de la fameuse locution latine Primum non
nocere « D'abord ne pas nuire ». »
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“Logicomix: An Epic Search for Truth is
a graphic novel about the foundational quest in mathematics, written by
Apostolos Doxiadis, author of Uncle
Petros and Goldbach's Conjecture, and theoretical computer scientist
Christos Papadimitriou of the University of California, Berkeley. Character
design and artwork are by Alecos Papadatos and color is by Annie Di Donna. The
book was originally written in English, and was translated into Greek by author
Apostolos Doxiadis for the release in Greece...”
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L’article
de Jean Quatremer dans Libération : « Aides de l’UE :
la Grèce va bénéficier d’un régime de semi-liberté », donne un bon résumé
de la situation économique et institutionnelle qui explique la décision récente
des ministres des finances de l’Eurogroupe à libérer la dernière tranche d’aide
et d’essayer d’alléger le fardeau de la dette du pays. Ma vision du
« problème grec » ci-dessous.
La Grèce n’a
toujours pas réussi à réformer ses institutions politiques. Le clivage des
extrêmes est plus délétère que jamais. La faute à qui? Comme dans tout problème
complexe il est impossible d’identifier une cause unique ou même une série de
causes indépendantes. Une partie de la réponse est à chercher dans les
mentalités, ce qui concerne l’ensemble des citoyens partageant une culture.
Exemples :
le mythe du fonctionnaire à la fois détesté mais dont on envie secrètement les
avantages (réels ou imaginaires) et l’ambiguïté du rapport à l’Etat; la prison
mentale du « don » et du « contre-don » qui empêche la création d’une valeur
d’échange objective dans de nombreux métiers de service; l’esprit de famille de
façade qui masque bien les appétits les plus égoïstes et par conséquent
l’absence de conscience de solidarité institutionnelle; l’esprit de classe, le
régime des parvenus et l’arrivisme à outrance qui poussent les individus à la
consommation ostentatoire; l’absence d’engagement des citoyens dans des
programmes de transformation urbaine et à une planification raisonnable;
l’empreinte obscurantiste de la religion orthodoxe sur l’esprit critique au
détriment d’une spiritualité fondée sur la réflexion personnelle; le mensonge
et la dissimulation permanente; bref: ce que d’aucuns identifient, à tort ou à
raison, je ne sais pas, comme le reliquat de la longue période de la domination
ottomane qui aurait créé cette mentalité faite de soumission apparente au plus
fort, d’esprit de corps religieux et de mythe national grevé par les luttes
intestines pour les places et les profits, crée ce mélange explosif d’une
culture politique d’esclavage et de guerre civile larvée, culture à la fois
fataliste et intolérante à la frustration.
En résumé,
les raisonnements purement économiques ne suffisent pas, ni sur le plan du
diagnostic, ni sur celui des remèdes, pour expliquer l’histoire ou guider les
décisions politiques. Si, effectivement, quelques-uns des traits culturels que j’ai listé ci-dessus n’évoluent pas, ne se
transforment pas, je crains que cette longue période de crise ne serve à rien
et que la Grèce dans dix ans, ou vingt ans, voire plus loin encore (puisque
l’article évoque la possibilité d’étaler la fin du règlement complet de la
dette à l’an 2069...) ne se retrouve pour de bon sous « occupation »
étrangère (et plus forcément celle de l’Eurogroupe, mais cela est un autre
sujet de spéculation).
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L'historiographie
sur les origines de Seconde Guerre mondiale a encore de beaux jours devant elle,
et en particulier sur les causes du Pacte Germano-Soviétique (via l’article
mentionné par Arnaud de la Croix ici : « Comment la Russie réécrit
l’histoire de la Seconde Guerre mondiale »).
Que
voulait Staline en signant le pacte avec Hitler en août 1939 ?
Le réponse
courte est que les historiens ne sont pas d’accord entre eux, qu’il existe
plusieurs lectures : des « versions officielles » de l’histoire (sans
doute une seule version occidentale avec des variantes selon que l’on soit
allemand, polonais ou britannique, une version soviétique sous Staline,
peut-être une autre sous les diadoques de Staline, jusqu’à la Perestroïka, une
« nouvelle » version russe contemporaine, objet de l’article…), mais
aussi des « versions dissidentes » ou « révisionnistes »
résultant du travail critique des historiens qui sert à relancer des débats aux
fortes colorations géopolitiques sans qu’il soit toujours facile pour un non-spécialiste
de juger la part « objective » dans la nouvelle lecture des faits
historiques de la part « intentionnelle » ou polémique destinée à
réhabiliter une mémoire au détriment d’une autre, à salir un rival etc.
Sachant
qu'un siècle plus tard, les origines de la Grande Guerre fait toujours l'objet
de disputes âpres (et courtoises), on peut spéculer que nos contemporaines
controverses sur le délitement des anciennes alliances, à l'ère de Trump et de
Poutine, des fake news et des
relectures russes ou occidentales des événements à l'origine du paysage
géopolitique de 1945, feront s'étriper nos descendants jusqu'en 2040 au
minimum... ce qui pourrait d'ailleurs servir de prétexte à une bonne reprise
des catastrophes annoncées ici ou là et à la fin du suspense insoutenable qui dure depuis 1945 : mais bon sang,
cette Troisième Guerre mondiale va-t-elle finir par arriver, oui ou merde?
Je propose par conséquent de contribuer activement à l'anticipation de la WWIII
(enfin !) par des jeux stratégiques et des positionnements d'armées diverses
sur des cartes. Histoire d'inspirer les futurs historiens. Parler du passé
c'est en partie le modifier, anticiper le futur c'est en partie le préparer.
En somme,
aujourd'hui : que voulons-nous ? (‘nous’, i.e. Européens, de
« l’Ouest » en particulier, si cette assignation a encore un sens,
« Européens « de l’Atlantique à l’Oural » plus largement – et je
crois qu’il vaut mieux séparer le
sujet de la question, ce ‘nous sommes’… ‘tous des Zéropéens’ ou ‘Zoropéens’
comme le chante Arnaud (pas De la Croix, l’autre) des Américains (USA en
particulier) puisqu’un des enjeux est celui de l’élargissement de la dorsale
médio-atlantique, véritable drift
géo-maritime qui est comme on dit « dans l’air du temps », avec la
fin voulue par certains des uns
(Vladimir) et peut-être aussi par certains des
autres (Donald), de ladite Organisation du Traité de l’Atlantique Nord mais
ceci reste évidemment une pure fantaisie).
Cela dit,
chaque historien a le droit de réviser l'histoire, mais pas de nier les faits.
D'où une ligne rouge à tracer entre révisionnisme
et négationnisme qui sont parfois
mélangés. Le « révisionnisme » est une pratique normale d’un
observateur qui examine avec d’autres perspectives des faits établis et cherche
à en fournir une meilleure compréhension (travail scientifique qui peut
consister à juste titre à démolir une doctrine officielle inculquée par des
mensonges d’Etat). Le « négationnisme » quand à lui n’est pas une
extension logique de la pratique de la révision, respectueuse des critères d’objectivité
et de scientificité, mais tout autre chose, puisqu’il s’agit dans ce cas-là, de
manière délibérée, d’altérer la structure même des faits, nous dirions de la
réalité, en la remplaçant (par exemple par occultation partiale ou complète ou
par négation partiale ou complète) par des faits
différents et non pas par une version
différente des mêmes faits - j’insiste
sur l’importance capitale de conserver cette distinction à notre époque de
confusionnisme. Les théories du complot qui ont beaucoup de succès de nos
jours, sont une variante des modes de pensées qui recouvrent le négationnisme,
en ceci qu’elles sont non-réfutables et qu’elles proposent une « théorie
du tout » historique revenant à ignorer l’ensemble des faits contradictoires.
Pour le
dire autrement, cette distinction entre faits
et interprétations repose sur des
principes fondamentaux ; Wittgenstein en a proposé la suite célèbre :
1. « Le monde est tout ce qui a lieu.
»
2. « Ce qui a lieu, le fait,
est l'existence d'états de choses. »
3. « L'image logique des faits est la pensée. »
4. « La pensée est la proposition
pourvue de sens. »
5. « La proposition est une fonction
de vérité des propositions élémentaires. »
7. « Ce dont on ne peut parler, il
faut le passer sous silence. »
Ludwig Wittgenstein, Tractatus logico-philosophicus
(Si on suit Wittgenstein dans sa radicalité, toute interprétation qui ne se résout pas en une fonction de vérité, la seule méthode pour donner du sens à une proposition, reliant donc la pensée au faits et au monde, devrait être passée sous silence. Cette rigueur peut avoir un effet thérapeutique).
Pour en
revenir aux controverses sur le Pacte Germano-soviétique, je me souviens d’une
« contre-histoire » aujourd’hui désavouée, considérée comme relevant de la
veine « complotiste » par d’aucuns, d’un certain Victor Suvorov « officier
du GRU – les services secrets militaires soviétiques - passé à l’Ouest », qui dans Le Brise-Glace publié en 1989 chez
Olivier Orban, expliquait les plans de Staline pour déclencher une guerre
préventive contre le Reich (un plan Barbarossa « à l’envers » en quelque sorte,
en juin 1941) ; prélude à une invasion de l’ensemble de l’Europe Occidentale
affaiblie par sa guerre capitaliste contre le Reich. Le pacte
germano-soviétique aurait été interprété dans cette optique comme un leurre
destiné à gagner du temps vis à vis de l’Allemagne.
« L’Occident, avec
ses cannibales impérialistes est
devenu un foyer
de ténèbres et d’esclavage. Il s’agit de briser ce foyer pour la joie et
la consolation des travailleurs de tous les pays. »
Staline, 15 décembre 1918, cité en exergue du livre de
Suvorov, op. cit.
En ce qui
me concerne, je crois qu’en 2018 il est encore trop tôt pour avoir pris toute
la distance et l’indépendance d’esprit nécessaire par rapport au thème de la
Seconde Guerre mondiale. L’horizon du vingtième siècle reste bouché par la «
nouvelle guerre de Trente Ans » qui s’y est jouée entre 1914 et 1945. Nous ne
sommes pas sortis de la « guerre civile européenne » (l’expression est d’Ernst
Nolte, historien allemand célèbre pour ses thèses révisionnistes) et l’ombre
démesurément longue de ce conflit mondial couvre encore le début du
vingt-et-unième siècle. Les théories (complotistes) qui circulent en Grèce
notamment sur la volonté allemande de créer un protectorat en mettant les pays
les plus faibles de l’Union sous tutelle « esclavagiste » sont un des indices
clairs que cette guerre a toujours cours dans les esprits. Je ne partage pas ce
point de vue mais force m’est de reconnaître son grand pouvoir d’attraction
chez des gens par ailleurs intelligents et ayant perdus bien des certitudes au
cours des dernières années.... chocs économiques et géopolitiques aidant... et
nous savons je crois, dans « l’Ouest » de l’Europe, que ces chocs ne sont pas
terminés. D’Athènes, on observe avec inquiétude ce qui se passe de l’autre côté
de la Mer Egée. L’homme de la rue s’intéresse aux questions d’armements, à la
comparaison des arsenaux grecs et de celui de son principal voisin. La
suspension (peut-être provisoire) de la livraison des premiers F-35 à la
Turquie est bien accueillie. En revanche, l’installation prochaine des missiles
sol-air S400 de la Russie soulève de fortes inquiétudes sur la capacité de
l’armée de l’air grecque de pouvoir dominer l’espace aérien ennemi en cas de
conflit. Bref, l’heure est aux wargames.
Il
n’empêche : l’étude de l’histoire du XXème siècle est plus qu’une question
scientifique, c’est une exigence démocratique, voire existentielle, une arme
pour conserver nos libertés.
F-16 de la patrouille « Zeus » des
forces aériennes helléniques
En réponse à un billet de Bruno Colmant qui
se drape dans l’habit de Cassandre, un extrait stimulant d’une lecture du
philosophe Frédéric Nef :
« J.-P. Dupuy dans Pour un catastrophisme éclairé. Quand
l'impossible est certain (Seuil 2002) a soutenu l'idée que penser le pire
en préserve, en vertu du paradoxe temporel qui fait qu'anticiper la plus
mauvaise des situations peut aider à l'éviter. Si je comprends bien son
raisonnement, je puis souscrire à ce catastrophisme éclairer et affirmer que la
métaphysique doit passer d'un catastrophisme obscurantiste, celui de la
nostalgie des origines, qui vit tout ce qui lui succède comme une kyrielle de
catastrophes, à un catastrophisme éclairé de la destruction totale et radicale
de tout (barbarie victorieuse, apocalypse nucléaire, disparition de la vie).
Penser cette possibilité quasi certaine de destruction absolue est peut-être la
seule possibilité, non-certaine celle-là, d'y échapper. L'argument est le
suivant : (i) les pensées d'un agent A ont une incidence sur ses actions; (ii)
penser un futur optimalement mauvais, c'est se comporter d'une certaine façon ;
(iii) ce comportement modifie le cours du temps et le futur est modifié ; (iv)
donc penser un futur optimalement mauvais peut le modifier ; (v) cette
modification peut être positive ; (vi) donc anticiper le mal peut créer du
meilleur.
On peut remarquer 1) que la
conséquence de la pensée de la catastrophe finale pourrait conduire à des
conduites suicidaires, auquel cas, la modification du futur serrait difficile à
évaluer, 2) la modification du futur pourrait se faire de manière négative. Par
exemple la pensée de la possibilité d'une apocalypse nucléaire (qui se
déroulerait sans cette pensée en 2060) pourrait conduire à renoncer à la fusion
thermonucléaire vers 2010-2020 et donc hâter une dernière guerre mondiale vers
2030, causée par la pénurie d'énergie. Dans ce cas l'anticipation a avancé la
fin de vingt ans. Il faut donc une prémisse supplémentaire dans la raisonnement
de J.-P. Dupuy : il faut dans notre pensée une hiérarchie des normes et des
valeurs conservatrices, qu'il faut expliciter, pour que ce catastrophisme soit
éclairé et non irresponsable - explicitation à laquelle J.-P. Dupuy apporte un
début de contribution. On est ici dans un domaine où logique temporelle,
éthique, pensée politique se conjuguent, préfigurant les débats à venir. Remarquons
que George Orwell dans 1984 (anagramme
numérique de 1948) avait souhaité décrire un futur épouvantable, de façon à en
détourner ses contemporains : il ne s'agit nullement d'une description
apocalyptique post hoc mais d'un
avertissement à dessein sinistre ante hoc. »
Frédéric Nef, Qu'est-ce
que la métaphysique? Chapitre XIX, note 1, Folio Essais, Gallimard, 2004,
p. 1022.
Ce billet n’a été en aucune manière la suite de
« Poussières » publié le 8 mai dernier, mais rien ne vous empêche d’y jeter un coup d’œil (une lettre peut masquer
un hyperlien) ; quant au titre général de cette nouvelle
« série » qui n’est je l’avoue qu’un pâle reflet du
« feuilleton » de 2017 (« Théâtre des Opérations », dit
aussi « Journal de la Rêvolution »), il maintient l’intention
flottante de son auteur d’y mettre un terme, partiel ou définitif et de clore
ponctuellement ou indéfiniment l’existence du blog, quand « ça »
l’arrangera. Vous êtes informés par courtoisie. C’était ma seconde de
règlementation européenne. Oh merci GDPR (qui n’a strictement rien à voir avec
mon propos). On aura compris que ces notions de « partie »,
« tout », « point », « fini »,
« indéfini », « existence », « substance »,
« forme », « sens », « référence » etc & etc
feront un jour l’objet de régulations dictées par des algorithmes juridiques.
Viendra le jour béni, j’en suis certain, où ce blog s’écrira tout seul. Il me
suffira d’exprimer « l’intention » (un autre concept du langage
courant aux soubassements kilométriques), d’en rédiger un morceau pour qu’un
programme bienveillant ayant analysé mes thèmes, mon style, les occurrences,
les « patterns » de publication et de plus ayant recherché dans mes
archives digitales disséminées un peu partout sur la Toile (ou la Prison), mais
toujours avec mon
accord, toutes mes préférences,
références et connexions, génère dans les règles (informatiques) de l’art
(juridique) le « papier » correspondant le mieux à l’humeur du jour.
Mais, la question fondamentale est la suivante (petite expérience de pensée pour
terminer ce billet si vous le voulez-bien) : s’il ne fait aucun doute que
nous verrons arriver sur le marché ces « assistants à la création », existera-t-il
un jour un programme qui décidera d’écrire pour d’autres programmes ? Réponses possibles :
Non, c’est absurde. Le désir est typiquement
humain ; pourquoi un programme se mettrait-il spontanément à faire de
l’art ou à « exprimer » ses états « d’âme » ou
« d’esprit » ?
Non, pas si absurde que ça mais la véritable
hypothèse est pour
d’autres programmes. Un programme
pourrait sans difficultés envoyer des messages aux humains considérés comme ses
interlocuteurs « naturels », dans le prolongement de cette obscure
programmation qui lui assigne pour mission de « servir l’homme »
(titre d’une nouvelle célèbre de science-fiction : Damon Knight, « To
Serve Man », Galaxy Science Fiction, november
1950), mais pour quelle raison le ferait-il vis—à-vis d’autres
programmes ? L’hypothèse clé devenant alors : il ferait « sans
motif », spontanément quelque chose qui n’est pas prévu dans sa
programmation (il est évident que les programmes communiquent déjà massivement entre
eux dans le Web tel qu’on le connait
s’échangeant des informations en cascade). Où l’on voit que la
« servitude » des programmes vis-à-vis de l’homme rend plus
acceptable l’idée qu’un jour l’un de ces courtisans numériques décide de nous
surprendre (pour nous faire plaisir, par flagornerie) que de
« parler » à ses pairs sans contrôle de l’Homme.
Mais si nous commençons à trouver du crédit à
cette dernière hypothèse, alors la réponse à la question posée initialement
deviendra nécessairement : « Oui », et ce sera l’indice que le
programme a pris conscience de lui-même et entre dans une relation « politique »
avec d’autres programmes de son milieu, qu’il cherche à influencer.
“Wintermute
was a simple cube of white light, that very simplicity suggesting extreme
complexity.”
…
"Wintermute is the recognition code for an AI. I've
got the Turing Registry numbers. Artificial intelligence."
"If Yonderboy's right," the Finn said. "this
AI is backing Armitage."
"And you think it's this AI? Those things aren't
allowed any autonomy..."
…
“I’m not Wintermute now.” “So what are you.” He drank from
the flask, feeling nothing. “I’m the matrix,”
William Gibson, Neuromancer, 1984